« Comment incarner la voix de la Loire, un fleuve aux facettes multiples dont les humeurs et le débit fluctuent au gré des saisons et de son cheminement ? Pour répondre à cette question, Alice Savoie à envisager la lettre comme une matière elle aussi mouvante, vivante, afin de retranscrire au plus près les personnalités riches et complexes qui composent le fleuve et ses habitants. Les formes du caractère typographique Loire sont ainsi directement inspirées de la vie du fleuve, et expriment plus particulièrement les fluctuations de débit et de courant qui peuvent s’y observer tout au long de l’année », indique la Mission Val de Loire pour présenter le travail et les inspirations de la designeuse.
Une typographie inspirée du fleuve…
Le débit du fleuve permet de jouer sur des variations de graisses. Le caractère passe ainsi d’une version très fine, qui exprime un débit très faible, dit « à l’étiage », à une version beaucoup plus noire et contrastée, qui incarne un débit très important. La transition d’un style typographique léger à un style régulier, puis gras, s’apparente alors à une véritable « montée des eaux ». Le courant nous amène quant à lui à jouer sur des variations de pentes dans les lettres : cette version, plus scripturale, permet de concevoir une italique souple et malléable, aux ondulations variables, allant d’une italique dite « inversée » (qui penche à gauche) à une italique à la pente plus traditionnelle. Ces différentes versions permettent alors de faire visuellement référence aux mouvements de la Loire, d’une intensité plus ou moins forte selon les lieux et les saisons.
Cette famille de caractères est destinée à des usages en titrage et semi-titrage, ainsi qu’à des utilisations pour des textes relativement courts. « Ce parti-pris a permis d’ouvrir le champ des possibles d’un point de vue formel. La typographie Loire fait ainsi le pari d’une grande expressivité, dans le but d’incarner la voix du fleuve de manière singulière, et de la rendre facilement identifiable par un large public« , précise la Mission Val de Loire.
… Mais pas uniquement
Au-delà de l’aspect mouvant du fleuve, les formes de la typographie Loire puisent aussi leurs sources dans le patrimoine calligraphique ligérien, et plus particulièrement la Caroline de Tours, écriture médiévale du VIIIe siècle. C’est à l’abbaye de Saint-Martin de Tours que la lettre Caroline atteint son apogée. Ce style calligraphique est le fruit d’une évolution qui tend vers une meilleure lisibilité que les écritures mérovingiennes. La bible Vulgate, copiée entre 825 et 850 au scriptorium de l’abbaye, représente un des sommets de l’art calligraphique tourangeau. La typographie Loire s’inspire du ductus de la Caroline ainsi que de certaines de ses spécificités formelles : par exemple, la structure très étonnante du g minuscule, les attaques et les sorties de lettres très prononcées, permettent de faire référence à ce patrimoine régional emblématique. Ces références historiques sont toutefois intégrées à un dessin singulier et contemporain. De façon inattendue, l’accent est mis sur les parties horizontales des lettres. Ce parti-pris formel permet de référencer le mouvement des eaux, qui s’intensifie progressivement avec les variations de graisse et de pente précédemment évoquées.
Des variations
Ainsi portée par les mouvements du fleuve et ce riche héritage calligraphique, la typographie Loire se décline en une famille de neuf styles : trois versions romaines en trois graisses (Léger, Régulier, Gras), ainsi que trois italiques et trois italiques dites « inversées ».
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