Lors des fouilles menées à l’occasion du chantier de reconstruction de Notre-Dame, les archéologues de l’Institut national français de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont notamment trouvé en 2022 deux sarcophages en plomb anthropomorphes à la croisée du transept. L’un des deux sarcophages, qui portait une épitaphe, a été rapidement identifié comme celui du chanoine Antoine de La Porte (1627-1710). Mais l’identité du second individu, un homme âgé d’une trentaine d’années, était mystérieuse. Des analyses effectuées ont permis d’en savoir plus sur cet inconnu : la déformation de son os coxal indique qu’il montait à cheval, son crâne scié et son sternum fracturé montrent qu’il a été autopsié avant d’être embaumé… Surtout, ses ossements portent les traces d’une pathologie extrêmement rare : une tuberculose osseuse cervicale ayant entraîné une méningite chronique. Un « portrait-robot » qui correspond à celui du célèbre poète de la Renaissance Joachim du Bellay, né à Liré, en Anjou, en 1522. « C’était un cavalier émérite, il est allé de Paris à Rome à cheval, ce qui n’est pas rien quand on a une tuberculose comme lui. Il a d’ailleurs failli en mourir« , a détaillé Eric Cubrézy, médecin et archéologue. Les poèmes et la correspondance du grand poète de la Renaissance font référence à sa surdité et à ses maux de tête, deux signes de méningite chronique, a relevé M. Cubrézy, qui a également retrouvé des traces de son autopsie.
Entre Anjou, Rome et Paris
Durant sa courte vie, Du Bellay passe plusieurs années à Rome au côté de son oncle cardinal, où la nostalgie de la « douceur angevine » lui inspire son plus célèbre sonnet, « Heureux qui comme Ulysse ». En 1557, le cardinal, ancien évêque de Paris, le renvoie dans la capitale française pour s’occuper de ses affaires. Le cofondateur de la Pléiade – un groupe de poètes mais aussi un mouvement littéraire français -, est mort à Paris dans la nuit du 1er au 2 janvier 1560 à l’âge de 37 ans dans le cloître de Notre-Dame. La famille de l’auteur du recueil de sonnets « Les Regrets », dont un oncle était cardinal, avait demandé qu’il y soit inhumé dans la chapelle Saint-Crépin. Mais en 1758, lors de travaux, sa tombe n’y avait pas été retrouvée.
« Il reste des doutes »
« Il reste des doutes », a cependant tempéré Christophe Besnier, l’un des responsables des fouilles à Notre-Dame, citant notamment « l’analyse des isotopes » qui « montre qu’on est face à une personne qui a vécu en région parisienne ou dans la région Rhône-Alpes jusqu’à ses dix ans ». « Le fait qu’on n’ait pas retrouvé sa tombe lors des fouilles à Saint-Crépin ne veut pas dire qu’elle n’y est pas. J’attends le résultat de toutes les études qui sont en cours, notamment une qui permettra de connaître son âge (du défunt, NDLR) à l’année près », a indiqué l’archéologue. Les fouilles menées à Notre-Dame après l’incendie du 15 avril 2019 ont permis d’autres découvertes. Les archéologues ont notamment mis au jour de nombreux éléments de l’ancien jubé, une tribune en pierre, ornée de statues, qui formait une sorte de barrière et séparait le chœur liturgique de la nef et des fidèles jusqu’à sa destruction au XVIIIe siècle. Plus de 700 fragments présentent leur polychromie d’origine, alors qu’il ne subsistait jusqu’à présent presque rien du décor peint initial de Notre-Dame, dont la réouverture est prévue début décembre.
Avec AFP
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