« Qui n’a pas été bercé dans sa tendre enfance par quelques fables, contes ou nouvelles ? Les aléas de la vie, les rencontres ou l’actualité nous les rappellent parfois à la mémoire. Leur contexte d’une autre époque dépassée, nous interroge : quelles en seraient les déclinaisons actuelles si leurs auteurs étaient encore de ce monde ?
Récemment, il m’est revenu en souvenir une vague histoire de préfet ou de sous-préfet, et les écrits d’Alphonse Daudet. Je pose l’équation dans le moteur de recherche et je trouve : « Le sous-préfet aux champs ». Je devais être alors en primaire, alors que je découvrais à l’époque – dans la même veine – les œuvres cinématographiques de Jacques Tati. L’histoire sous la plume de l’auteur est irrésistible. Il y est question d’un sous-préfet parti en tournée visiter ses ouailles, qui n’en pouvant plus de la chaleur du moment et de la charge de son exercice, arrête son équipage dans un coin de verdure. Le bonhomme finit par se laisser happer par la beauté des lieux, allongé et complètement débraillé la fleur à la bouche. Lui, vainement sollicité à reprendre le cours des choses par l’aéropage qui l’accompagne.
Remise au goût du jour, on parlerait plus prosaïquement du burn out d’un agent ou d’un serviteur de l’Etat, que la nécessité pousse à se mettre au vert. Je crains que les termes de la nouvelle soient beaucoup moins poétiques. Quant à se mettre au vert, les appétences de notre époque ne sont pas nécessairement celles qui poussaient autrefois certains à finir débraillés allongés dans les herbes hautes d’une nature chatoyante… De nos jours, il se pourrait que ce soit moins le chant du merle et du rossignol, qu’un lâché prise sous les spotlights des nuits enivrées de quelque villégiature ensoleillée d’une ile ibérique qui seraient décrites. S’abandonnant complètement, ce serviteur de l’Etat se retrouverait non moins débraillé, le front ceint de sa cravate, dans une soirée mousse sautant comme un cabri hystérique envouté par les lumières et les rythmes hypnotiques. Je me demande bien ce que la plume de notre feu Alphonse Daudet aurait pu décrire. Revue au gout du jour, l’histoire se serait peut-être terminée par cet homme vainement sollicité par ses conseils et ses proches collaborateurs : « Venez, il faut revenir…. Allez, soyez raisonnable… Vraiment, c’est important, il nous faut convenir d’un protocole sanitaire crédible et cohérent… C’est urgent… ». Il se pourrait même qu’il réponde par le mot de Cambronne, n’en faisant qu’à sa tête, continuant à faire corps avec l’ambiance endiablée. D’ailleurs, à son retour, n’était-il pas paru dans les médias, mal rasé et le regard quelque peu cerné ?
En ces temps parfois compliqués, voire déprimants, l’humour et la légèreté de ces vieilles histoires sont bienvenues, comme une bonne tablette de chocolat et ses vertus anti dépressives. Leurs auteurs nous manquent parfois. La lumière et le génie de leurs écrits, nous permettent de commettre un pas de côté. Ils nous font porter les seuls rires et sourires que méritent seulement trop de situations qui exagèrent la gravité de nos actualités et de nos préoccupations actuelles. »
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Commentaires 1
Bonsoir. Merci beaucoup pour le texte . Merci pour votre culture et le charmant rapprochement avec notre ministre.
Bravo pour la plume.
Cordialement