Après avoir pris connaissance des résultats publiés par l’ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité), l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) a indiqué qu’une concentration de 310 Bq/L de tritium était très supérieure aux niveaux habituellement mesurés dans la Loire par les réseaux de surveillance de la radioactivité dans ce fleuve (relire notre article). En effet, la concentration la plus élevée mesurée en tritium dans la Loire depuis 2012 à la station multi-paramètres (SMP) aval du CNPE (centre nucléaire de production d’électricité) de Chinon et déclarée au Réseau national de mesures de la radioactivité de l’environnement (RNM-RE) était de 80 Bq/L, et la concentration en tritium la plus élevée à Saumur, estimée par l’IRSN à partir des données de la surveillance sur la période 2017-2019, était de 60 Bq/L.
Une campagne engagée par l’ASN et l’IRSN
L’IRSN et l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) ont étudié plusieurs pistes pour tenter d’expliquer cette mesure atypique : hypothèse d’un rejet exceptionnel du CNPE de Chinon par un ou plusieurs des CNPE situés en amont, hypothèse d’une autre source de tritium, analyse du processus de prélèvement et de mesure du 21 janvier 2019. En octobre 2020, l’IRSN concluait de ses investigations préliminaires que l’hypothèse d’un mélange imparfait des rejets de la centrale de Chinon, entrainant une hétérogénéité de distribution du tritium dans la Loire sur de longues distances, du fait de conditions hydrauliques particulières, méritait d’être approfondie par une étude sur le terrain. L’IRSN et l’ASN ont donc décidé de réaliser une campagne spécifique de mesure, qui s’est déroulée sur cinq mois de novembre 2020 à avril 2021, mettant en œuvre des prélèvements dits à « haute fréquence » (7 par jour en 5 points différents) à Saumur, afin d’étudier la reproductibilité de la mesure atypique, dans des conditions les plus proches possibles de celles observées en janvier 2019 (nos articles ici, ici, ici). Cette campagne de mesure avait également pour objectif d’améliorer la compréhension de la dynamique de dispersion du tritium entre le CNPE de Chinon et Saumur. Aussi, parallèlement aux mesures acquises sur le terrain, des modélisations monodimensionnelles et bidimensionnelles des concentrations en tritium dans la Loire ont été réalisées par l’IRSN, à partir des rejets déclarés par EDF et des données hydrauliques des cours d’eau sur la période considérée.
Résultats de l’étude
Au cours de quatre réunions spécifiques du Comité de suivi, l’IRSN a présenté les résultats de l’étude au fur et à mesure de leur acquisition et les échanges au sein du Comité ont nourri la réflexion. A cet égard, les commentaires sur cette étude et ce rapport formulés par les membres du Comité de suivi qui ont souhaité en faire, figurent en annexe à ce rapport. L’étude a permis d’exploiter plus de 1000 mesures de la concentration en tritium dans la Loire acquises avec des conditions de rejet et environnementales variées (débit, température…). Les niveaux de ces mesures ont varié entre le seuil de décision (2,3 Bq/L environ) et 57 Bq/L. Par ailleurs, les modélisations monodimensionnelles et bidimensionnelles de la dispersion du tritium entre Chinon et Saumur mises en œuvre pour cette étude ont présenté un haut niveau de cohérence avec les mesures de terrain. Les résultats rendent peu probable l’hypothèse qu’un mélange imparfait, y compris lié à une stratification thermique, des rejets du CNPE de Chinon dans le milieu, sur de longues distances, puisse expliquer la mesure atypique à 310 Bq/L du 21 janvier 2019.
En effet, les modélisations monodimensionnelles et bidimensionnelles de la dispersion du tritium dans la Loire, calées à partir des mesures d’EDF, de l’IRSN et de l’ACRO et intégrant les conditions (rejets déclarés, débits) de janvier 2019, conduisent à une concentration maximale en tritium dans la Loire au pont Cessart à Saumur variant entre 70 Bq/L et 160 Bq/L le 21 janvier 2019. Ces modélisations n’ont donc pas permis, même dans des conditions majorantes, de retrouver le niveau de la mesure atypique (310 Bq/L).
Concernant les mesures de surveillance en aval du CNPE de Chinon, cette étude a montré que, selon les conditions hydrauliques, les prélèvements à la SMP peuvent être représentatifs ou non des rejets de la centrale. Les modélisations montrent par ailleurs que la détection, au moyen des prélèvements à la SMP aval, d’un éventuel rejet non maîtrisé supérieur aux prévisions établies par l’exploitant n’est pas systématique.
Recommandations de l’IRSN
Les recommandations de l’IRSN portent notamment sur l’importance du développement de la modélisation des rejets des CNPE pour confirmer la représentativité des mesures de surveillance ainsi que sur le respect des normes et des bonnes pratiques de traçabilité concernant les prélèvements et les mesures. Ces recommandations appellent également à étudier comment la détection des rejets du CNPE de Chinon par la SMP aval pourrait être rendue moins dépendante des régimes hydrauliques de la Loire afin de garantir la détection d’éventuels rejets non maîtrisés de ce CNPE. En outre, elles invitent à apporter des précisions à certaines mesures de surveillance déclarées au RNM et à poursuivre les vérifications régulières du bon fonctionnement du dispositif de rejets.
Infos pratiques : Plus de renseignement et résultats de l’étude sur https://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20220119_tritium-eaux-Loire-Saumur.aspx#.YekQ7vjjKUl
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