Cinq mois après son engagement et alors qu’il participait depuis une semaine à « une campagne d’entraînement aux tirs » dans le cadre de la formation initiale destinée aux sous-officiers d’active, le sous-officier Ndary X manque en effet à l’appel lors du rassemblement de sa section vers 16h30. Les camarades du jeune homme expliquent alors à leur supérieur que Ndary X leur a dit être parti à la recherche d’un chargeur de Famas « égaré » plus tôt dans l’après-midi. De « premières recherches » sont donc lancées par les militaires en exercice dans le village. Mais, vers 20h30, alors que le disparu n’a toujours pas été retrouvé, les gradés décident d’appeler la gendarmerie. Un hélicoptère, deux équipes cynophiles, la Section de recherches (SR) et le Peloton de Surveillance et d’Intervention de la Gendarmerie nationale (PSIG) se mettent alors rapidement en branle, aux côtés des camarades du prévenu, pour tenter de le retrouver. Soit « 350 hommes » au total, calcule le président du tribunal. A ce stade, personne ne sait ce qu’a l’élève militaire en tête : il est parti en tenue avec son Famas et une munition de guerre de calibre 5,56 volée. « Tout est imaginable« , résume donc le président de la chambre militaire. Les gendarmes s’aperçoivent alors que, plus tôt dans la journée, Ndary X a croisé la route de « femmes » dans le village : le croyant perdu, elles lui avaient donné « des gâteaux », « à boire » et lui avait « donné des renseignements » sur la région…
« Je narguais l’autorité, je défiais la hiérarchie »
Le jeune homme sera finalement retrouvé le lendemain par le PSIG « à 30 km » de La Courtine, sur la commune de Saint-Michel-de-Veisse (Creuse), toujours porteur de ses armes. Placé en garde-à-vue, il expliquera avoir été « très attristé » par la perte de ses chargeurs et qu’il avait donc pris « la décision irrationnelle de quitter l’armée ». « Je savais bien que ce départ allait susciter un grand tracas », explique-t-il ce lundi à la barre du tribunal. « J’avais tracé un itinéraire pour aller jusqu’à une abbaye pour méditer, parce que j’étais très croyant et assez pratiquant ». Il voulait précisément se rendre à l’abbaye royale de Fontevraud, près de Saumur, à 300 km de son camp d’entraînement. Le jeune homme s’est ainsi caché et a passé des grillages, pour échapper aux militaires qui le « traquaient ». Dans cette « aventure », il a rapidement trouvé « une forme de jouissance« , une montée d’adrénaline qui le fait se sentir « anormalement bien« . « J’ai eu le sentiment agréable d’être seul contre tous, de réussir à semer tout le monde. Je narguais l’autorité, je défiais la hiérarchie« , s’est en fait remémoré le principal intéressé. « J’étais pourchassé par l’armée et la police, ils n’ont pas réussi à me prendre et j’ai continué mon itinéraire. » « Il est rare de voir des militaires armés prier ou méditer dans une chapelle monsieur », lui rétorque toutefois le président du tribunal correctionnel de Rennes, qui s’interroge aussi sur la destination projetée à cette munition dérobée.
Un « voyage initiatique » inspiré « par les saints »
« Mes dispositions n’étaient point sanguinaires », le rassure le jeune dandy, à l’élocution impeccable, vêtu d’un trench beige noué par-dessus sa chemise blanche et de chaussures parfaitement cirées. « Vous pensez bien que si j’avais eu pour projet d’attaquer une ou plusieurs personnes, j’en aurais pris plusieurs. » La psychologue qui l’a rencontré parle d’un « voyage pathologique« . Sans « raison rationnelle« , l’ex-militaire a été « pris d’une forme d’accès de folie« , confirme Ndary X. « J’ai l’impression que l’aventure exceptionnelle que vous recherchez dans l’armée et que vous n’avez pas pu avoir, vous vous l’êtes offerte », analyse d’ailleurs le président du tribunal. « J’avais le sentiment de n’avoir rien vécu, j’avais besoin de vivre quelque chose d’inordinaire« , confirme cet ancien élève de classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE). « Cette expérience m’a sevré de toute velléité particulière », rassure toutefois celui qui a été radié des cadres, le 19 mars 2022. « On a rarement vu une telle intelligence devant vous dans le corps militaire », souligne aussi Me Quentin Blanchet-Magon, l’avocat du jeune homme qui a entrepris « un voyage initiatique teint de religion, inspiré par les saints »… Finalement, son client a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et à une interdiction de porter une arme pendant trois ans, conformément aux réquisitions du parquet. « Il est opportun que vous vous engagiez dans une démarche psychologique pour voir ce qui s’est passé en vous« , lui conseille le président, s’interrogeant sur ce « côté mystique » et ce « côté grande aventure » du prévenu. « Voire, même, s’il n’y a pas une pathologie« , conclut-il.
Avec PressPepper
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