Chaque année, à l’école, au collège ou au lycée, un million d’élèves sont victimes de harcèlement scolaire. Publié fin 2022, le baromètre de l’éducation, révèle un phénomène bien plus vaste et alarmant : 77% des jeunes déclarent avoir subi des violences au sein de leur établissement. Ce phénomène est d’autant plus difficile à stopper que l’omerta est forte et contribue à silencer les victimes. Suite à des violences à l’école, un jeune sur cinq n’en a ainsi pas parlé. 28 % des sondés déclarent avoir déjà été témoins de cyber harcèlement sans l’avoir dénoncé, alors même qu’ils sont 56% à faire état de la circulation sur les téléphones portables de vidéos/photos humiliant des jeunes de leur établissement. Sur ce point, le baromètre met en lumière l’impuissance des parents. 78% pensent que leurs enfants se confient à eux, alors que seulement 54% des jeunes disent l’avoir fait. Depuis le début de l’année, plusieurs adolescents se sont suicidés après avoir été victimes de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement. Cette suite de tragédies rappelle la gravité du fléau du harcèlement scolaire et l’insuffisance des moyens de lutte contre un phénomène aggravé par les réseaux sociaux. « Aujourd’hui, le harcèlement scolaire a pris une autre ampleur avec l’essor des téléphones dès le plus jeune âge et les réseaux sociaux, même avant l’âge légal. Avant, le harcèlement s’arrêtait une fois la porte du collège fermée, mais cela n’est plus le cas et le harcèlement se poursuit jusque dans le lit des ados », souligne Astrid Lelièvre, conseillère communautaire en charge du dossier à l’agglo Saumur Val de Loire.
Des avancées sur le plan du droit
Un plan interministériel de lutte contre le harcèlement, ambitieux et sans précédent, a été présenté le 27 septembre dernier plaçant désormais ce phénomène en tête des priorités du gouvernement de cette rentrée. Par ailleurs, La loi n°2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire ou harcèlement à l’école crée un nouveau délit, celui de harcèlement scolaire, dans le Code pénal français (relire notre dossier dédié). L’amélioration du climat scolaire est donc devenue un enjeu majeur de la politique publique en matière d’éducation et repose sur plusieurs facteurs, dont la prévention des violences et du harcèlement. Il ne s’agit pas seulement de moqueries ou de bousculades, mais d’injures, de brimades où se manifestent le sexisme et l’homophobie, les phénomènes de meute et d’emprise. Des comportements violents, pas forcément visibles dans le cadre scolaire, se démultiplient dans le cadre désinhibé des réseaux sociaux, venant ainsi nourrir le désespoir et l’isolement des victimes. « L’Éducation Nationale a commencé en 2019 à expérimenter dans des écoles et collèges un Programme de lutte contre le harcèlement à l’école, Phare – généralisé à la rentrée 2022 –, qui consiste à former des enseignants et, pour les élèves, prévoit dix heures par an d’apprentissage des compétences émotionnelles et relationnelles propres pour prévenir le harcèlement. On essaye d’échanger avec le collégien victime et le harceleur sans pour autant nommé ce dernier et lui donner ce rôle. On essaie de lui faire comprendre ses actes. Cela fonctionne plutôt bien et à l’échelle nationale on obtient de bons résultats dans 70% des cas. Le harcèlement sous toutes ses formes n’est pas à prendre à la légère et cela est un phénomène très répandu. Nous intervenons sur de nombreuses situations chaque année. Parfois, certains jeunes n’ont pas conscience de leurs actions et de leur rôle. On voit par exemple beaucoup de photos ou de vidéos qui circulent et qui participent du harcèlement. Des collégiens ne se rendent pas compte que partager ces photos c’est participer. Cela rend aussi le traitement des affaires bien plus délicat et difficile. Heureusement, nous avons un référent police consacré à la jeunesse qui peut remonter plus facilement à la source et ainsi tenter d’endiguer le phénomène. Mais une fois un fichier partagé et enregistré un peu partout, difficile de le supprimer complètement et définitivement », explique Benjamin Putino, conseiller principal d’éducation au collège Pierre Mendes France à Saumur.
L’agglo saumuroise mobilisée contre le harcèlement
C’est face à ce constat alarmant et inquiétant et dans le cadre de ses actions en faveur de la prévention de la délinquance, que la Communauté d’Agglomération Saumur Val de Loire a, en novembre 2021, mis en place l’opération « STOP au harcèlement scolaire ». Cette action, entièrement financée par l’Agglomération, consiste à intervenir auprès des élèves de 5e des collèges du territoire, volontairement inscrits dans cette démarche, en proposant du Théâtre-Forum. « Au départ, nous avions débutés avec les 4e et 3e, puis nous nous sommes rendu compte après échange avec les équipes pédagogiques que les 5e étaient plus réceptifs, avaient moins peur du regard des autres pour participer et que cela était le bon moment au vu de leur parcours scolaire », précise Guillaume Kling, chargé des politiques sociales l’agglo. Pour le CPE, « c’est judicieux puisque le niveau où nous constatons le plus de harcèlement, c’est en 4e. » Ainsi, durant deux semaines, en collaboration étroite avec la compagnie Nomad’I Sérane, cette méthode participative permet d’aborder les thèmes du harcèlement et du cyber harcèlement, de l’homophobie et de la transphobie, de l’égalité fille-garçon, et des dangers du numérique. Dans un premier temps, les comédiens jouent une scène sans interruption. Puis, la scène est rejouée une seconde fois. A n’importe quel moment, un élève peut lever la main, la scène s’arrête et le spectateur est alors invité à venir remplacer ou ajouter un personnage. Une fois sur scène, le « spectActeur » doit tenter d’agir et de proposer des solutions concrètes afin de déjouer le problème initial. La scène est rejouée plusieurs fois afin de laisser la possibilité à chacun d’exprimer ses idées (relire notre article sur l’édition précédente). Les objectifs de cet atelier sont de « libérer la parole sur la thématique abordée ; Favoriser l’expression et la confrontation des points de vue ; Développer les compétences relationnelles (écoute, empathie, respect d’autrui…) ; Favoriser la capacité à agir et à prendre la parole ; Expérimenter collectivement des alternatives pour sortir d’une situation difficile ; Introduire des informations et des éléments clés sur la thématique abordée. Il est arrivé que les comédiens décèlent des situations lors de ces interventions et échangent ensuite avec l’équipe pédagogique pour alerter », explique Astrid Lelièvre.
Une nouvelle campagne du 13 au 24 novembre
L’Agglomération Saumur Val de Loire se mobilise pour la 3è année consécutive auprès des collégiens du territoire du 13 au 24 novembre 2023 auprès de quelque 1 100 élèves de 5è répartis sur 11 collèges du territoire sur les 13 que compte l’agglomération*. « La collectivité propose la même prestation, qui est gratuite, à tous les collèges du territoire qu’ils soient privés ou publics. Cela représente un budget annuel de 15 000 euros », poursuit l’élue. La Compagnie Nomad’I Serane sera une nouvelle fois au rendez-vous au sein de chaque collège pour animer ces temps de Théâtre-Forum programmés sur deux semaines. Par ailleurs, le vendredi 24 novembre à 19h à la Salle Beaurepaire à Saumur, ce temps se poursuivra avec cette même compagnie qui donnera une représentation de sa pièce de théâtre « La traversée ». Cette soirée, ouverte à tous et gratuite, se poursuivra par un débat avec le public sur le harcèlement scolaire.
*Les collèges participants : Lucien Millet à Doué-en-Anjou ; Delessert à Saumur, Pierre Mendès France à Saumur, Saint-Louis à Saumur, Yolande d’Anjou à Saumur, Honoré de Balzac à St Lambert des Levées, Sainte-Anne à Saumur ; Paul Eluard à Gennes ; Calypso à Montreuil-Bellay ; Truffaut et Saint-Joseph à Longué-Jumelles.
Infos pratiques : Dans le cadre de l’opération « STOP au harcèlement scolaire » représentation de la pièce de théâtre « La traversée » de la Cie Nomad’I Serane suivie d’un débat sur le harcèlement scolaire, vendredi 24 novembre à 19h, Salle Beaurepaire à Saumur. Entrée libre et gratuite. À partir de 8 ans. Réservation ICI,
Pour aller plus loin sur le même sujet : Relire notre dossier : Dossier. Le 3018, un numéro gratuit et une application, pour les victimes de cyberharcèlement
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