Avec PressPepper
Un toxicomane de Saint-Hilaire-Saint-Florent (Saumur) et son dealer ont été condamnés ce vendredi 8 mars 2024 par le tribunal correctionnel de Nantes, en comparution immédiate, après le démantèlement d’un trafic « effrayant » d’héroïne dans le centre-ville de Nantes (Loire-Atlantique) où des « zombies » s’alignaient dans la rue pour acheter leur « petite dose de mort ». Le premier, Lucio XXX, a écopé de six mois de prison ferme et six autres avec sursis probatoire ; son fournisseur nantais, Gwenaël XXX, a lui été condamné à dix-huit mois de prison ferme et douze avec sursis probatoire. Les deux ont été maintenus en détention provisoire, comme l’avait demandé le parquet : l’habitant de Saint-Hilaire-Saint-Florent avait en effet déjà été condamné onze fois, et son dealer trente-trois. C’est un premier « renseignement anonyme » qui avait mis la police sur la piste d’un certain « Gwen » : il avait été repéré pour « vendre aux SDF » près du Monoprix de la rue du Calvaire, dans l’hypercentre de Nantes. Il faisait même ses « livraisons en trottinette électrique », selon ce témoin. Une résidente de l’immeuble où le dealer avait sa « base de repli » avait confirmé par la suite les « forts désagréments » et le « sentiment de peur » que générait son trafic. « D’autres témoignages anonymes » avaient alors été relevés par les enquêteurs sur la plateforme moncommissariat.fr, le « commissariat en ligne » mis en place par le gouvernement après l’épidémie de Covid-19 : des internautes parlaient de « défilé de zombies ».
Au moins 60 clients par jour
Les policiers avaient alors entamé des surveillances en se postant « sur une terrasse proche » du lieu du trafic : ils y avaient « surpris une conversation » entre Lucio XXX et un « autre client », où le Saumurois disait qu’il ne tiendrait « pas le choc » à consommer la drogue qu’il avait sur lui et qu’il allait l’écouler « en deux jours ». Les enquêteurs avaient dénombré au passage « une trentaine de cessions entre 13h20 et 17h30« . Gwenaël XXX avait donc été interpellé cinq jours plus tard avec 227 g d’héroïne, 26 g de cocaïne, 510 € en liquide, une balance de précision, une pipe artisanale et un couteau à cran d’arrêt. En garde à vue, il avait dit avoir « minimum soixante clients par jour » et faire ses « meilleures journées » en « début de mois », « quand le RSA tombe ». « Ce serait trop beau… Soixante, c’était un maximum », a-t-il minimisé lors de son procès. Le dealer nantais avait aussi présenté Lucio XXX comme « l’un de ses plus gros clients » ; il avait même exprimé des doutes sur le fait que les achats de cet Italien de 41ans soient pour sa « consommation personnelle ». « Quand j’ai eu mon RSA, j’en ai profité pour acheter une grande quantité d’un coup : ça m’évite de faire un aller-retour supplémentaire », a expliqué l’habitant de Saint-Hilaire-Saint-Florent – qui a été interpellé en possession de 50 grammes d’héroïne, une quantité « énorme » de son propre aveu. « Et puis ici l’héroïne est de qualité : à Saumur c’est pas de l’héroïne, c’est que de la coupe… »
« Une sorte de foule qui suit » le dealer dans la rue
La présidente du tribunal correctionnel de Nantes a également lu le rapport des policiers nantais : ils avaient décrit « une sorte de foule qui suit » Gwenaël XXX « dans des coins reculés » près de la rue du Calvaire. « Les personnes s’alignent dans un endroit un peu plus discret pour se voir remettre leur dose en échange de billets de 10 € », résume la juge. « C’est une sorte de distribution rapide, sur un créneau précis. » Le dealer nantais s’est néanmoins présenté comme « un consommateur avant tout », à qui son propre fournisseur lui aurait « proposé » de se lancer dans ce commerce. « C’est con de ma part, mais cela a été la solution de facilité », a-t-il dit aux trois juges. « L’héroïne, c’est aussi ça : quand vous êtes en chien, vous avez le corps qui vous démange dans tous les sens… Les premiers jours en prison, j’ai passé de très sales nuits. » D’un point de vue social, ce titulaire d’un CAP en mécanique automobile « sans emploi depuis trois ans » affirme être « l’enfant d’un viol » et dont la mère ne s’est « jamais occupé ». Son « client » Lucio XXX – qui a déjà été condamné à plusieurs reprises en Espagne – s’en veut lui d’avoir fait « trop souffrir » sa mère de 70 ans, qui l’héberge à Saint-Hilaire-Saint-Florent depuis sa sortie de prison. « Même la police de Saumur elle dit que je ne vends pas », a-t-il certifié aux juges nantais. « Je suis une victime de cette merde de drogue… D’ailleurs ça m’a fait du bien d’être arrêté. »
Mais aussi une « addiction à un jeu sur téléphone »
Cet allocataire du Revenu de solidarité active (RSA) « depuis deux ans » et qui n’a plus travaillé « depuis 2012 » a aussi « une addiction à un jeu sur son téléphone portable« , selon sa mère. Il avait au demeurant un rendez-vous le 8 avril prochain en psychiatrie au centre hospitalier de Saumur. « Ce dossier est terrible et d’une dimension un peu effrayante : à sa lecture, on mesure les effets délétères de l’héroïne… mais aussi pour les riverains, qui sont excédés par ce défilé de consommateurs », a résumé le procureur de la République. Le représentant du ministère public était au demeurant convaincu que Lucio XXX n’était pas qu’un simple consommateur et « revendait sans doute sur Saumur ou dans le 49″. Me Matthieu Créach, l’avocat du dealer nantais de 43 ans, avait lui trouvé ce dossier « d’une infinie tristesse ». « Les gens se lancent dans ce trafic soit pour s’enrichir, soir pour oublier… La carte postale, elle est vilaine », avait-il dit. Le tribunal a finalement relaxé le toxicomane de Saint-Hilaire-Saint-Florent du délit d’offre ou cession de stupéfiants, mais a prononcé les peines requises par le parquet. Outre les peines de prison ferme, les deux hommes auront obligation de soigner leurs addictions et de rechercher activement du travail. Après sa sortie de prison, Lucio XXX aura aussi interdiction de revenir à Nantes après trois ans. Un troisième homme a été inquiété dans cette affaire : cette « nourrice » qui avait « passé ses clés » au dealer pour lui laisser son appartement en journée « quand il était au travail » a fait l’objet d’une composition pénale, une alternative au procès public, a-t-il été à l’audience.
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