Il n’est pas toujours aisé de prendre la parole en public, encore moins d’ouvrir son cœur et de dévoiler ses tourments, ses peurs, ses tristesses, ses amours, ses colères ou ses bonheurs. Une pudeur qui nous freine, et plus encore à l’adolescence où le poids du regard des autres pèse plus que jamais. Ces appréhensions, des élèves du lycée des Ardilliers de Saumur les ont allègrement dépassées, avec brio et honneur grâce à leur professeur de français Sophie Capelle qui avait organisé un atelier autour du slam. « Cela faisait quelque temps que je souhaitais réaliser un travail autour du slam. Notre documentaliste m’avait envoyé un article de presse relatant un atelier de ce type réalisé dans un collège de Beaufort-en-Anjou. C’est ainsi que nous nous sommes lancés dans l’aventure », explique-t-elle. 45 élèves de 3e pro et 19 élèves de seconde bac pro animation enfants et personnes âgées ont ainsi participé au dispositif. Un programme orchestré par le poète-slameur Phillipe Boero aka « Seanaboy ». « Nous avons réalisé une première séance avec eux pour leur présenter le slam et leur donner quelques conseils d’écriture, autour des rimes notamment. Ils ont ensuite eu une semaine pour commencer à écrire un texte sur le sujet de leur choix. Puis nous avons passé deux autres séances à peaufiner ces textes et à travailler l’interprétation, les pauses, la gestuelle », précise-t-il.
Des textes bouleversants
Résultat ce vendredi 5 avril, une sorte de mini-concours où ils devaient tous passer un à un devant leurs camarades et un jury composé d’enseignant du lycée. « C’est un concours, mais la poésie n’est pas une science exacte. Chacun des textes a sa valeur et sa propre réception par un public à un moment donné », a précisé Seanaboy en préambule. Puis les élèves ont défilé clamant des textes de qualité rédigés par leur soin. Les rimes sont travaillées, les textes soignés, ciselés et les thématiques engagées. D’aucuns évoquent l’importance des amis, de la famille, d’autres font une ode au bonheur. Certains abordent des sujets de société comme les personnes à la rue et d’autres ont choisi l’humour taquinant au passage quelques-uns de leurs enseignants. D’autres encore sont parvenus à poser sur la feuille des mots comme pour panser des douleurs personnelles, avec des textes sur la perte d’un proche, le harcèlement scolaire qu’ils ont pu subir. La tête haute, par les mots, ils semblent avoir surmonté leurs maux. Face à eux, un auditoire très ému et des professeurs « fiers du courage » de leurs élèves et de la qualité de leurs prestations, « étonnantes » autant que « bouleversantes ».
Une expérience formatrice et appréciée de tous
Un exercice très formateur et complet mêlant écriture et expression orale. Mais aussi « une expérience fédératrice qui a permis à tous les élèves de mieux se connaître et d’être plus soudés encore. Pour les professeurs, c’est aussi l’occasion de mieux connaître l’élève. De le comprendre au travers d’un vécu que l’on ignore parfois. C’est important d’avoir ces temps, un peu en dehors des schémas classiques de l’apprentissage, d’une classe de 25 à 30 élèves où il faut suivre un programme et où nous n’avons pas forcément le temps pour l’individuel », témoigne Sophie Capelle. Pour Philippe Boero, « la poésie est un ressenti, on livre quelque chose. Elle est là parce qu’au fond de notre cœur, on a une caresse ou une brûlure. Les premiers textes sont très souvent très personnels et forts. Cela montre aussi que chacun peut exprimer ses sentiments, ses impressions sur une thématique qui lui importe quel que soit son niveau de langue ». L’approche du slam est intéressante puisqu’elle permet d’aborder la poésie de manière décontractée, démocratisée et plus abordable, loin des grands standards de la poésie française qui, aussi beaux soient-ils, peuvent se trouver écrasant pour une personne et un jeune qui tente de poser pour la première fois une plume sur un papier. « La poésie n’est pas une démonstration de vocabulaire, mais une démonstration des sentiments. Il n’y a pas besoin d’avoir mangé le Larousse pour être un poète », poursuit le slameur. Cette expérience semble également avoir été très appréciée des élèves : « Nous n’étions pas très chauds au départ, puis à force de travailler et grâce à tous les outils de rédaction que l’on a appris, nous nous sommes sentis plus à l’aise. Une fois que l’on est lancé et que l’on a le sujet, ça coule tout seul », témoignent-ils. Pour eux : « l’exercice n’aurait pas été si simple et captivant s’il avait seulement fallu rédiger un poème plus classique ». Ils ont également apprécié « d’avoir pu compter les uns sur les autres lors des phases de travail », leur permettant ainsi « d’être plus à l’aise au moment de déclamer nos vers devant eux. »
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