Avec AFP
C’est une « brique importante notamment pour l’orientation et l’installation » des agriculteurs, a salué le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, promettant que « d’autres viendront », sur la rémunération des paysans, la planification environnementale et la gestion de crise. Une façon de défendre ce texte largement concerté avec l’alliance syndicale majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs (JA), face aux piques des oppositions qui jugent la copie insuffisante, même dans sa version réécrite pour répondre à la colère hivernale des agriculteurs. « Nous ratons un rendez-vous », a déploré le socialiste Dominique Potier, listant ce qu’il considère comme des angles morts du texte, notamment la régulation du foncier agricole. « Votre texte ne sert à rien », a tancé Manon Meunier (LFI), déplorant l’absence de mesures pour des « prix planchers » ou la fin des accords de libre-échange. Hélène Laporte (RN) a critiqué « un texte d’immobilisme camouflant mal (…) quelques mesures insuffisantes » Des « caricatures » pour Antoine Armand (Renaissance), qui a défendu un texte qui « va dans le bon sens », sans prétendre « tout régler ». Le gouvernement renvoie à l’automne les discussions sur le revenu agricole, la fiscalité ou les produits phytosanitaires. Au final, l’exécutif a reçu le soutien d’une partie d’une vingtaine de députés Les Républicains, et le texte a été adopté par 272 voix contre 232. Le RN et une grande partie de la gauche ont voté contre. Les communistes se sont partagés entre abstentions et votes contre, à l’instar des indépendants de Liot. C’est « une loi mineure », a jugé Julien Dive, pour LR, disant la soutenir au nom du « pragmatisme », afin que le Sénat l’améliore à partir du 24 juin. Le texte éclectique propose des mesures sur la formation, un guichet unique départemental censé favoriser les installations et transmissions d’exploitations. Il entend aussi accélérer les procédures de contentieux en cas de recours contre des stockages d’eau ou des bâtiments d’élevage, en dépit des alertes du Conseil d’État sur des « risques d’inconstitutionnalité ». Il comporte certains objectifs non contraignants, comme celui de viser 400.000 exploitations et 500.000 agriculteurs d’ici 2035, ou la nécessité d’une réforme fiscale agricole d’ici 2025. La mesure phare du texte, saluée par la FNSEA, confère à l’agriculture un caractère « d’intérêt général majeur« , concrétisant une promesse d’Emmanuel Macron faite dans un salon de l’Agriculture fortement agité. Une forme d’appel aux juges administratifs à faciliter certains projets de retenues d’eau ou de bâtiments d’élevage, mis en balance avec un enjeu environnemental. Mais des juristes et des députés sont circonspects, jugeant que la protection de l’environnement, ayant une valeur constitutionnelle, prévaudra toujours. La gauche est en revanche vent debout contre un article qui révise l’échelle des peines en cas d’atteinte à l’environnement et « réserve la qualification de délit » aux atteintes « de manière intentionnelle ». Ce sont « des reculs inédits en matière de droit de l’environnement« , a grondé dans l’hémicycle l’écologiste Marie Pochon. « C’est open bar : promoteurs immobiliers, énergéticiens, chasseurs pourront détruire des espèces menacées et plaider la non intentionnalité », a-t-elle lancé. « Si vous restez au statu quo, vous avez des gens qui, pour des délits non intentionnels, sont menacés de trois ans d’emprisonnement ou 150.000 euros d’amende », avait justifié Marc Fesneau lors de l’examen à l’Assemblée, réfutant le fait que l’article instaurait un permis de détruire la nature. Dans la foulée de l’adoption, Greenpeace a dénoncé « une catastrophe pour l’environnement et l’avenir de l’agriculture ». La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a déploré une « biodiversité sacrifiée sur l’hôtel de l’agriculture intensive ». La Confédération paysanne avait appelé à voter contre le texte qu’elle juge insuffisant, quand la Fondation pour la Nature et l’Homme l’accuse d’« hypothéquer notre avenir au bénéfice d’une minorité d’agriculteurs ». Les interprofessions du porc, des volailles et des oeufs estiment, elles, que l’exécutif devrait aller plus loin, notamment contre les surtranspositions.
Un vote LR non suivi par la députée saumuroise Anne-Laure Blin
« 35 heures de débats en commission des affaires économiques… 68 heures d’examen en séance publique… J’étais présente durant tout ce temps… Et l’issue, j’éprouve un sentiment de temps perdu mais aussi celui d’un énorme gâchis ! Toutes ces heures de travail n’auraient jamais dû être vaines ! Elles auraient dû, au contraire, servir à envoyer un message clair à nos agriculteurs qu’enfin les responsables politiques avaient compris qu’il fallait soulager nos agriculteurs sous peine de les envoyer dans le mur. Et pourtant, ces longues séances n’auront malheureusement pas permis ce déclic pourtant bien nécessaire. J’entends certains me dire que ce texte est certes incomplet mais qu’il « ne fait pas de mal ». Pour autant « fait-il du bien ? ». Clairement que non ! Pire, non seulement il ne répond en rien à la principale demande de réduction des normes, mais il continue à bercer d’illusions ceux dont l’engagement dans nos campagnes est généreux et sincère. Abrité derrière les beaux discours séduisants du gouvernement, ce texte ne comporte pas plus de mesures de simplification qu’il ne comporte de véritables solutions sur la rémunération, sur la gestion de l’eau ou des nuisibles ou sur celles des surtranspositions qui placent nos agriculteurs en situation de concurrence déloyale. Je ne peux pas être complice de cette volonté de « moindre mal ». Est-ce notre agriculture française et nos agriculteurs que nous voulons accompagner et sauver ou bien est-ce cette vision de la décroissance économique qui considère nos agriculteurs comme les premiers responsables du dérèglement climatiques ? Bien sûr que placer l’agriculture au rang d’intérêt général majeur est important et hautement symbolique. Mais le problème est bien là, l’article 1 n’est qu’un symbole brandi par le gouvernement car la charte de l’environnement et le principe de non-régression environnementale ont un rang constitutionnel (contrairement à ce texte de loi ordinaire) et donc supérieur juridiquement. Bien sûr qu’il convient de revoir le quantum des peines qui placent toujours nos agriculteurs dans une situation de suspicion permanente, mais au prix d’un « stage de sensibilisation à l’environnement » ? De qui se moque-t-on ? Sans compter l’article 9 qui met en place un « diagnostic modulaire » ou « DPE agricole » équivalent en quelque sorte du DPE en matière de logement qui n’aura que pour unique objectif de faire de nos agriculteurs – surtout dans les exploitations familiales – les grands métayers du système bancaire. Enfin, comment accepter le mépris avec lequel le gouvernement a traité la question du « droit à l’erreur » pourtant revendiqué par le Président de la République lui-même à l’ouverture du salon de l’agriculture ? Pour toutes ces raisons, et mes derniers échanges locaux m’ont confortée dans ce choix, je voterai contre ce texte sans ambition et qui sur le terrain ne changera strictement rien sauf amplifier la désespérance et l’impuissance politique. Plein et entier soutien à nos agriculteurs qui sont en ce moment dans leurs exploitations et qui travaillent d’arrache-pied en raison du retard pris et qui méritent que plus jamais on renonce à se battre pour eux. Il est urgent de travailler à un nouveau texte qui comprend tout ce qui a été promis et qui est attendu. Il faut arrêter de se moquer des agriculteurs. »
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