À la fin du mois d’août, juste avant la rentrée scolaire, la fédération Unapei (1) a alerté au travers d’une vaste campagne de communication comme depuis plusieurs années sur la scolarisation des enfants en situation de handicap (relire notre article). Selon elle, « les droits des élèves en situation de handicap sont toujours bafoués. Des enfants scolarisés seulement quelques heures par semaine, voire pas du tout… C’est le quotidien des enfants en situation de handicap intellectuel et cognitif ! L’Unapei a créé un outil permettant de produire des données objectives sur la réalité de la scolarisation des élèves accompagnés par les associations de son réseau : sur près de 8 000 élèves scolarisés en milieu ordinaire ou spécialisé, 33% ont moins de 6h de classe par semaine, 18% aucune heure. » Sur le département et en Saumurois, la situation est tout aussi alarmante comme l’explique Marie-Hélène Chautard, présidente de l’ADAPEI49 : « Cette rentrée s’est, malheureusement, déroulée comme les autres rentrées depuis des années. Beaucoup d’enfants en situation de handicap se retrouvent en situation d’exclusion sur la question de l’éducation. Ils se retrouvent sans accompagnement adapté à leurs besoins ou sans accompagnement tout court. »
Un manque de place
Il existe pour ces enfants, plusieurs types d’accompagnement et de prise en charge. Au sein de l’ADAPEI49, plus de 500 enfants sont accueillis de leur 3 ans jusqu’à l’âge adulte. 450 se trouvent en établissement, tel que Instituts Médico-Educatifs (IME), et 135 en SESSAD (Service d’éducation spéciale et de soins à domicile). Pour autant, encore beaucoup attendent une place comme l’explique Christian Javelle, directeur de l’IME Chantemerle de Bagneux et du SESSAD de Bagneux : « Dans le département de Maine-et-Loire, il y a selon les chiffres de la maison départementale de l’autonomie qui tient à jour la liste d’attente, au bas mot une cinquantaine de jeunes qui attendent une place en IME, et en réalité les chiffres doivent se rapprocher des 90 jeunes, car il y a des situations d’enfant que l’on n’arrive pas connaitre ou bien repérer. En SESSAD la liste est encore plus alarmante avec 150 enfants en attente d’une prise en charge. Sur le secteur du Saumurois, la MDA relève une soixantaine de cas, mais après une mise à jour des différents dossiers avec des jeunes qui peuvent se tourner vers d’autres structures (NDLR : Il y a 3 services en Saumurois) cela doit représenter 20 à 30 jeunes sur liste d’attente en Saumurois. » À noter que le SESSAD de Bagneux dispose uniquement 18 places et seulement 3 à 4 nouveaux enfants accueillis chaque année. Certains enfants attendent déjà depuis plusieurs années. Le nombre de places est limité par le financement de l’Agence Régionale de Santé. « C’est inquiétant et cela représente un enjeu considérable. Il faut savoir qu’un enfant d’environ 4 ans a des besoins particuliers, besoins d’un étayage, la prise en charge doit être immédiate et la plus rapide possible. Sinon la situation peut s’aggraver et à l’avenir les besoins peuvent se faire plus importants avec des comportements complexes qui s’installent », poursuit Christian Javelle.
De nombreux enfants hors des radars de l’éducation nationale
Pour Marie-Hélène Chautard cette situation est tout simplement inadmissible : « Encore en 2022, il y a une non prise en compte des besoins de centaines, de milliers, d’enfants avec toutes les difficultés qui s’en suivent pour les familles. Lorsque les enfants n’ont pas de solutions, c’est aux familles de pallier l’absence de solution d’éducation et de s’en charger elles-mêmes avec tout ce que cela implique sur le plan personnel et professionnel. Et cela n’est pas un phénomène de petite ampleur. Par ailleurs, cette charge repose très souvent sur les épaules des mères. » Si les chiffres sont importants, ceux de l’éducation nationale sont également tronqués. « Certains enfants disposent de seulement quelques heures hebdomadaires ou mensuelles de cours. Pour autant, pour l’éducation la case de la scolarisation est cochée. Mais en réalité il n’en est rien », s’offusque la présidente de l’ADAPEI49. Et d’ajouter : « Jamais depuis des années nous n’avons réussi à considérer qu’un élève en situation de handicap est avant tout un élève et qu’il devrait être considéré comme tel, et de ce fait pris en compte dans les chiffres de l’éducation nationale en parallèle de ceux du handicap. À noter que seul un tiers des élèves sont pris en compte par l’éducation nationale et deux tiers en sont donc absents. Pourtant, l’école dans le projet ministériel est une école inclusive et elle devrait se donner les moyens de développer des solutions d’accueil pour répondre aux différents besoins particuliers. Imaginez que l’on dise à un enfant ordinaire qui doit entrer dans l’école de son quartier qu’il n’y a plus de place et qu’il ne peut aller à l’école ! Il y a encore de nombreux moyens à mettre en œuvre, financiers et humains, inscrits dans une réelle politique du handicap pour développer cela et créer une réelle école inclusive pour tous. Mais cela demande une très grande volonté, politique. »
La solution des classes externalisées
La solution passera notamment par un travail collaboratif entre les différents acteurs de l’éducation et du médico-social. Des dispositifs ont d’ores et déjà été mis en place à l’image des classes externalisées, même si elles sont encore peu nombreuses. L’une d’elles se trouve à Saumur au sein de l’école du Clos Coutard. 7 enfants y sont accueillis grâce à un partenariat entre la municipalité, l’équipe enseignante et l’IME de Bagneux. « C’est un exemple de ce qui peut être fait avec une classe dédiée avec 1 enseignant et 2 professionnels médico-sociaux qui accompagnent ces enfants aux besoins particuliers », souligne le directeur de l’IME. Cela fait 7 ans que ce partenariat existe. Selon le professionnel, ce dispositif est bénéfique pour tous : « Pour les enfants ordinaires, cela apprend beaucoup sur la notion d’inclusivité. Pour les enfants en situation de handicap, cela apprend à respecter un cadre. C’est aussi une richesse et une ressource pour les équipes enseignantes qui peuvent s’appuyer sur les professionnels, car ils sont nécessairement confrontés à un moment donné dans une classe de 30 élèves à un enfant avec des besoins, des comportements différents. Pour certains enfants qui ont pu avoir un rapport compliqué à l’école, cela permet parfois de renouer avec celle-ci. » Si le dispositif existe au niveau de l’école, même s’il n’est pas encore très développé, Christian Javelle souhaiterait créer une classe externalisée au niveau collège, ce qui n’existe pas encore en Saumurois. L’idée étant de ne pas créer de rupture de parcours pour les jeunes entre l’enfance et l’adolescence.
(1) L’Unapei est la première fédération française d’associations de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées mentales et de leurs familles. En savoir plus https://www.unapei.org/actions/qui-sommes-nous/
Copyright © IGNIS Communication Tous droits réservés