La grande série de l’été a pris fin au terme d’un suspense intenable. Invraisemblable, pour le public et les acteurs ballotés par l’insoutenable légèreté d’un être dont les joyeux ébats ont importuné et excédé les divers auditoires. Les électeurs, les élus, surtout de terrain, les journalistes et analystes de tous genres ont suffoqué, haleté, au rythme des tribulations d’une présidence alcaline, en quête de câlins. Quelle créature aux atours affriandants allait donc pouvoir séduire tout un pays embarqué sous la houlette du berger, dans le paradis blanc de l’innocence, de la simplicité d’un scénario échevelé. Le décor planté, le Bachelor de la superproduction se disposait à éprouver les impétrants dans son pompeux palais de consultations. Casting aux Champs-Elysées, sans Michel Drucker, pour les favoris dorlotés, flattés pour être acheminés vers un concubinage instable, en chambre à part, dans l’hôtel de Matignon. Dans les pénates de Gabriel Attal, séparé de corps et d’esprit du guide suprême saisi d’une appétence soudaine pour le changement, la dissolution, dans un parcours commun tout juste engagé. Qui donc pour remplacer le sémillant Premier ministre abandonné dans la tourmente par le mystère, le suspense entretenus par le maître des horloges, détenteur des clés d’un camion immobilisé sur la vie publique. En fait de camion, n’était-ce pas plutôt le bus Next dans lequel ont défilé l’ensemble des favoris, en examens cadencés, cruels et indécents. La seule à n’avoir pas même franchi le marchepied est une femme, frêle Lucie (Castets) emportée par la foule et ne formant qu’un seul corps avec le Nouveau Front Populaire. Le Bachelor la rejeta d’un revers de mépris et avec elle son camp toujours fumant. Puis vinrent les hommes, Bernard (Cazeneuve), Xavier (Bertrand), Thierry (Beaudet), David (Lisnard) et, à la dérobée Loïg (Chesnais-Girard), tous promus dans le courant alternatif des médias, pour le meilleur et pour le pire. Tous débarqués du bus avant le terminus.
Dans l’arène, sans armure
Ils y crurent et agitèrent leurs réseaux dans l’urgence d’une mobilisation classée sans suite au fil des nouvelles relayées par des fuites sournoises, cauteleuses, ni infirmées ni confirmées par le père Fouras de la citadelle du pouvoir. Et ce jeudi, nombre d’entre eux découvrirent le communiqué de l’Elysée : « Le Président de la République a nommé Monsieur Michel Barnier Premier ministre. » Le dernier sera donc le premier, l’homme du Brexit est le nouveau Bachelor, l’enjôleur, l’ensorceleur dont « le gouvernement à venir réunirait les conditions pour être les plus stables possibles et se donner les chances de rassembler le plus largement ». Les frustrations ont été nombreuses au fil des élections, depuis la dissolution et, désormais, les atermoiements de la nomination du chef du gouvernement. Les électeurs, les partis les plus représentatifs sont sur le qui-vive, convaincus de la spoliation de leur expression. Les députés vont donc décider du sort de la nouvelle équipe constituée par Michel Barnier rompu à l’exercice de la négociation au long cours. Mais le temps presse, l’étau menace d’étouffer l’espoir d’un répit, d’un sursaut responsable des parlementaires dont les chefs de file individualistes sont ostensiblement et indécemment tournés vers la présidentielle de 2027. Voire un rendez-vous anticipé en cas de blocage des institutions et de démission du Président. Sauf, bien entendu, si ce dernier décidait d’avoir recours à l’article 16, lui conférant alors les pleins pouvoirs. Mais nul n’ose imaginer une telle échappatoire, une audace suprême de l’imprévisible et déconcertant locataire de l’Elysée. Lui seul pourrait disposer d’une telle immunité, à contrario de Michel Barnier précipité sans armure dans l’arène de la discorde. La « coalitation » est en marche pour une renaissance improbable confiée à un Premier ministre voué aux gémonies. Lucie, Bernard, Xavier, Thierry, David et Loïg ne pouvaient l’ignorer. Tout ce beau monde voulait-il vraiment prendre la place ?
Georges Chabrier
Copyright © IGNIS Communication Tous droits réservés