Depuis bien longtemps, l’étoile de l’Argentine ne brille plus guère que par ses exploits sportifs. Dernier opium d’un peuple exaspéré, anéanti par une misère galopante, le football maintient sporadiquement l’unité de cette nation addicte aux exploits de son «Albiceleste». Son équipe nationale et ses légendes « El Pibe de Oro », le gamin en or (Diego Maradona) et « El Pulga », la petite puce (Lionel Messi), grands contributeurs des trois glorieuses, des sacres obtenus aux Coupes du monde 78, 86 et 2022. Empêtré dans la spirale d’une inflation récurrente, de l’endettement, miné par une corruption toxique, le pays est en proie à une crise chronique marquée par l’extrême pauvreté de sa population. La violence s’est installée durablement et le pillage des commerces compte désormais parmi les procédés illégitimes mais essentiels de survie. Dans cette infâme condition, les Argentins devaient se prononcer pour élire leur nouveau président en un choix, une engeance de candidats porteurs de peste et de choléra. Minés par l’infortune de leur existence, l’indigence de leur quotidien, ils se sont abandonnés dans une ultime rêverie, le délire d’une extase personnifiée par un fou chantant, « El Loco », prédateur incontrôlé des sans espoirs. Javier Milei a nourri leurs prières, il a été élu, il les croquera pour assurer ses propres rentes en les précipitant dans un chaos aveugle. Tel Ubu roi, il va distribuer les réserves d’or à son peuple, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus pour personne, sauf pour lui, pour financer son numéro de clown blanc devant un parterre d’Augustes naïfs, bientôt cocufiés. Car il n’est ni Bozo, ni Grock ou Zavatta, ni même Jango Edwards, promoteurs de facéties innocentes et joyeuses, mais plutôt une géniture de Tik Tok et Marvel, du boucher de Plainfield qui inspira « massacre à la tronçonneuse ». Et l’outil de taille, il le manie allègrement pour singer le bûcheronnage qu’il entend opérer dans l’arbre institutionnel de sa nation bientôt amputée des ministères de l’éducation, de la santé, des transports, de sa monnaie nationale, des droits humains, notamment ceux des femmes avec la remise en cause de l’IVG. Plus de services publics, privatisation de l’eau, fin de « l’aberration » qu’est la justice sociale, l’anarchiste ultralibéral veut s’extraire de toutes règles liberticides pour satisfaire sa vision d’un libéralisme débridé.
Hystériser les publics
Donald Trump a fait des émules, « Argentine first » est revendiqué par son clone XXL sud-américain qui vient donc allonger la liste inquiétante des élus, idéologues rabougris élevés sur les racines du repli. Une semaine après le séisme argentin, notre continent est à son tour heurté par l’onde de choc de l’effloraison d’une réplique trumpiste en terre batave. Une de plus sous la bannière en berne de l’ambition européenne, lacérée par les lames affilées des partis souverainistes, xénophobes et islamophobes. Geert Wilders pourrait être demain le premier ministre d’extrême droite des Pays-Bas et revendiquer leur sortie de l’Union. « Nederland first » clame à l’unisson des suprémacistes l’homme à la toison peroxydée, chaleureusement félicité par Marine le Pen et le Hongrois Orban saluant avec bonheur « les vents du changement ». Et ils ont bien raison, car une bise glaçante et opiniâtre tisse insidieusement son voile opaque sur une Europe friable en manque d’ambition politique. L’Italie, la Slovaquie et, il y a peu encore, la Pologne, l’Autriche avaient franchi le pas, encourageant dans leurs élans tous ceux qui, comme en France, patientent dans l’antichambre du pouvoir. L’Espagne, la Belgique, la Suède, la Finlande et même l’Allemagne sont touchées par la contagion d’une extrême droite que nos démocraties malades ont porté sur fonts baptismaux. Notre classe politique est en mal de dialogue et d’apaisement se complaisant dans des postures antagonistes et orchestrées qui polarisent et, de fait, exacerbent les dissensions dont se gorgent les médias et les réseaux sociaux pour hystériser les publics, faire le buzz et contribuer à l’émergence de piètres théoriciens. La voix du gourou ne mène qu’à la porte du gourou.
Georges Chabrier
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Commentaires 8
Bonjour Tous ces bateleurs de foire ont été élus, choisis par des votes démocratiques (bien que les réseaux sociaux et les médias marquées par leur propriétaires milliardaires sont ils vraiment libres?) Quand toi, vous ,nous ,il ,elle allons nous réagir et mettre des bulletins pour des candidats peut être moins glamour ou moins grande gueule mais plus en phase avec la vie en société faite de partage
Tellement d’accord avec Le30 et Georges.
Marine le Pen et le Hongrois Orban saluant avec bonheur « les vents du changement » : « Wind of Change », était une balade de Scorpio qui, justement, fêtait le vent du changement… vers la démocratie ! Notre prochain vent du changement pourrait bien avoir une couleur brune. En France comme partout.
on a tout essayé (non presque tout) ,voyez le résultat:: les américains avec Bush ,.Les français avec Sarko et les anglais avec Cameron ,ont mis à feu et à sang le moyen orient et anéantis les derniers remparts laics qu’étaient Kadhafi et Sadam Hussein contre les islamistes de tout bord, avec les conséquences que l’on connait en Occident.Avec Trump et Milei ,on ne s’ennuie pas! Et c’est grâce aux prédécesseurs incompétents qu’ils sont là!plus besoin de coup d’état!!
Des gens qui respectent leur pays, et in fine leurs citoyens, qui ne le bradent pas à qui en veut
Ras le bol des mondialistes aux ordres de l’ONU et de Bruxelles !
Bonsoir C est vrai qu être soumis en tant que libertaires au marché au capital ce n est pas se brader et c est vraiment respecter son peuple qui vis en dessous du seuil de pauvrete
Monsieur Chabrier, vous brossez un portrait miroir de la France semblable à celui de l’Argentine pas encore mis à la lumière, mais où l’ombre laisse apparaître les contours d’un monde entier qui commence à s’entretuer, patience… les électeurs jettent aux urnes leur dernier ticket replié, le plus noir, celui du désespoir disent-ils, celui de la honte pour d’autres.
Ne cédons pas aux chants des sirènes qui appellent au repli sur soi. Ce serait le plus mauvais coup asséné à la plus belle aventure humaine du siècle dernier. Bien sûr convient-il d’être exigeants envers ceux qui vont nous représenter au plan européen très prochainement. Convient-il aussi de s’accorder sur les réformes indispensables. Mais de grâce ne tombons pas dans le nationalisme…On sait où ça mène.
quand l’élite a peur des réactions du peuple et de ses choix ( le référendum de 2005 ça évoque quoi pour G. Chabrier ? et les gilets jaunes..) elle les qualifie (au mieux..) de populistes !