L’édito du Kiosque : Il était une fois Charles et François

Le roi Charles III et le pape François ont fait le buzz. Un véritable tsunami démesurément mis en scène par les médias tapis dans les interstices des clichés à sensations. Appropriée ou superflue, la couverture immodérée de ces deux événements a échappé à toute raison, laissant le champ libre aux divagations simplistes.

Du château de Versailles au Stade vélodrome de Marseille, une onde frénétique a submergé les champs de notre univers informationnel, entrecoupé, en filigrane, de fièvres bruiteuses mises en sourdine par l’ampleur du tumulte mondain. Un roi et un pape en pèlerinage, la même semaine, au « pays des 258 fromages » ne sont-ils pas de nature à éclipser le fumet ordinaire de notre rata quotidien. Les chaînes d’information en continu en avaient d’ailleurs presque totalement oublié le harcèlement scolaire, les manifestations contre les violences policières, la guerre en Ukraine, la planification écologique… autant de sujets délaissés sur le feu, à mijoter le temps des agapes royales et pontificales. Et l’on sait aujourd’hui, renseignés par l’acuité de la presse people sertie à la couronne, que sa Majesté Charles III est un chantre de l’écologie, une Sandrine Rousseau en mode british, flegmatique et fair-play. Son Aston Martin roule avec du surplus de vin blanc anglais et du lactosérum provenant du processus de fabrication du fromage. Chic et vert, alors même que son Premier ministre conservateur, Rishi Sunak, vient d’approuver l’ouverture de la future mine de charbon souterraine de West Cumbria Mining ! My God, le souverain a du pain sur la planche pour nourrir ses sujets de meilleures ambitions. Quant au pape François, il a lui aussi éclairé les consciences sur le brûlot de l’émigration. « La mer Méditerranée, berceau de la civilisation, devient le tombeau de la dignité » a-t-il proclamé sous l’approbation admise, policée et hypocrite de l’ensemble de la « volaille qui fait l’opinion ». Gageons que tous ceux dont l’expression compassionnelle a attendri les plateaux maintiendront leur noblesse et leur honorabilité dans les futurs proches débats sur l’accueil et l’accompagnement des migrants.

Le défi de la raison

Les récits ampoulés des grands narrateurs de l’évènementiel aristocratique et la surproduction indigeste de directs appropriés ou superflus ont naturellement forcé la critique, encouragé les polémiques et gonflé le soufflé de haine servi aux appétits douteux des réseaux dits sociaux. Trop, c’est trop, en toutes circonstances la surréaction efface, caviarde la raison au bénéfice d’intuitions ou d’impulsions imparfaites et perfides. Dès lors, donc, la raison s’impose comme un véritable défi, une bataille prioritaire et permanente contre l’intoxication, le boniment simpliste et faisandé des manipulateurs de tout crin, des démagogues florissants. « Pour qu’un homme devienne raisonnable, il faut d’abord qu’il apprenne à raisonner. »* Bien de ceux qui ont appris ont déjà oublié et la lanterne de leur savoir n’éclaire plus guère leur faculté de penser. Faire le buzz à tout prix, à tout va est un mal insidieux, une gangrène envahissante dont sont affectées quantité de figures emblématiques de notre paysage médiatique dont, en premier lieu, les gens de maison, les journalistes et leurs « clients » favoris, les hommes politiques. Tous ceux qui, en fait, disposent du droit et du monopole d’exposition pour dispenser la bonne parole, en principe celle de la raison. Il faut donc s’attacher ailleurs, faire quête de la substantifique moelle, du bien précieux dont sont encore habités les intermittents et les obscurs qui nous donnent à lire ou à entendre, nous apprennent à aimer, sans perdre la raison.

Georges Chabrier

* Anatole France

Commentaires 9

  1. Florentais says:

    Bonsoir. Effectivement. Et nous avons également eu à la suite une journée médiatique sur les punaises de lit.
    Remarque quand on pense qu il faudrait juste éteindre sa tv pour changer de politique,de démocratie…..

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  2. Cebenvrai says:

    Vous avez raison Georges, faire le buzz à tout prix est un mal insidieux, une gangrène envahissante, mais pourquoi en rajoutez-vous une couche alors que la vague submergeante est passée. Vous n’avez pas d’autre dessert à nous proposer ?

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  3. Uncle Jack says:

    Merci de cette colère, et des sous-entendus très clairs. Oui il faut retrouver la raison, les passions fétides sont dangereuses au regard de l’histoire passée, il y a urgence à éteindre les incendies extrémistes, nourris par les médias et les réseaux dits sociaux !
    Continuez à parler d’humanité comme François !

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  4. Jean says:

    Je ne comprends pas : ne valait-il tout de même pas mieux parler un peu de cela que des faits divers ordinaires qui nous occupent tous les jours?
    La mise en scène quotidienne du « pessimisme à la française » est-elle plus utile au bien commun?

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  5. Patrick Morineau says:

    Dénoncer le buzz ! Noble cause ! La France Insoumise est une grande utilisatrice du buzz. Mais au fait, Georges Chabrier n’était-il pas candidat aux élections sous les couleurs de L.F.I. il y a quelques années !

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    • Cebenvrai says:

      Mais si il était candidat. Mais il a pietiné ses convictions pour faire le buzz avec ses editos et manger à sa faim. Comme pour tout bon politique, il y a toujours une bonne porte de sortie.

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  6. Georges Chabrier says:

    La propension détestable des hommes politiques à pratiquer inconsidérément le buzz concerne les représentants de tous les partis, y compris ceux de LFI
    Georges Chabrier

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  7. Pilou says:

    Jaloux ?

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  8. Arroseur arrosé says:

    Et notre Kiosque d’en rajouter…!

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