Laetitia Saint Paul : Pour une transformation des armées

« je mène depuis plusieurs mois des travaux, des entretiens et des visites.
Ce projet de LPM est présenté alors que se produisent plusieurs grandes bascules dans le paysage de la conflictualité mondiale. Mes travaux ont montré que, plutôt qu’à une substitution des menaces entre elles, nous assistions à une pure addition des menaces. Pour rester au meilleur niveau, notre modèle d’armée est donc confronté au défi de devoir répondre simultanément à l’intensité croissante des nouveaux conflits et à l’extension des champs de la confrontation, le tout sans remettre en cause nos capacités expéditionnaires.
Il est toujours utile, pour comprendre où l’on va, d’expliquer d’où l’on vient.
Nous sortons, depuis la fin de la guerre froide, de trois décennies de réduction des moyens consacrés à la défense nationale. Entre 2008 et 2019, le ministère des Armées a ainsi perdu plus de 60 000 emplois, soit 20% de ses effectifs.
Dans ce contexte, la LPM 2019-2025 a entamé la réparation de notre outil de défense : augmentation progressive du budget des armées, création de 6 000 emplois, comblement des lacunes capacitaires les plus criantes.
Malheureusement, depuis l’adoption de la précédente LPM, de l’Indopacifique au Sahel en passant par la guerre en Ukraine, les tensions se sont aggravées à l’échelle mondiale.
D’où le projet de LPM qui nous est soumis, le plus ambitieux depuis la fin de la guerre froide. D’une phase de réparation, il nous fait entrer dans une phase de transformation des armées.

Que prévoit-il ?
Premièrement : une forte ambition budgétaire, avec 413,3 milliards d’euros de besoins programmés. Nous dépasserons dès 2025 le cap des 2% du PIB, qui n’est plus considéré seulement comme un objectif mais comme un seuil.
Deuxièmement : une hausse des effectifs, au bénéfice notamment du renseignement et de la cyberdéfense. Un effort important sera fait en faveur de la réserve, avec l’objectif d’avoir à terme un militaire de réserve pour deux militaires d’active.
Troisièmement : des choix capacitaires cohérents, qui concilient le souci de la masse et de la sophistication.
– Du côté de la masse : l’artillerie, la défense sol-air, les drones et, malgré les étalements de cible, les blindés, les frégates et les avions de chasse.
– Du côté de la sophistication : le renouvellement de la dissuasion nucléaire, le nouveau porte- avions, la poursuite du SCAF et du MGCS, le renouvellement des capacités spatiales.
J’ai consacré la deuxième partie de mon avis à un sujet devenu primordial : le rôle joué par les armées en matière d’influence. L’influence est le résultat d’une action interministérielle à laquelle contribue aussi les armées.
Quand nous formons des militaires étrangers, par exemple aux écoles militaires de Saumur, nous faisons de l’influence. Quand nos militaires s’entrainent avec ceux de nos partenaires, nous faisons encore de l’influence.

Pourquoi l’influence a-t-elle acquis une telle importance aujourd’hui ?
Pour une raison simple : l’extension de la confrontation internationale a atteint le champ des perceptions. Aujourd’hui, nos compétiteurs utilisent tous les leviers de l’influence à des fins stratégiques. Il n’y a plus de « soft power ». C’est évidemment dans le domaine informationnel que cette tendance est la plus forte.

En conclusion, nous avons d’importants chantiers devant nous. Le projet de LPM, à la hauteur du changement d’époque, nous en donnera les moyens. »