Il est fort probable que cette métaphore mi-anatomique, mi-culinaire, n’ait eu aucun écho la première fois que vous l’avez entendue. Difficile d’approcher les deux éléments de la formule, à moins qu’il ne se soit agi d’une recette d’abats peu proposée à table le dimanche midi. Nous l’employons pourtant assez régulièrement pour qualifier l’état de quelqu’un qui se fait beaucoup trop de souci. On l’utilise donc pour parler de l’anxiété d’un tiers, du moins, dans son phrasé le plus argotique, de l’aspect excessif de l’inquiétude. Certains commencent peut-être à voir le rapprochement avec la rate… Mais continuons.
Apprenez d’abord que l’expression est contemporaine. Personne n’est vraiment capable de dater l’apparition de celle-ci au cours du XXe siècle, mais la trace écrite la plus célèbre est à trouver chez Frédéric Dard, dans “La rate au court-bouillon”, en 1965. Pour ce qui est du sens, en revanche nous allons faire un sacré bond dans le passé, direction l’Antiquité.
L’origine se fonde dans la théorie des humeurs du savant Hippocrate, selon laquelle quatre fluides régissent les émotions et les états par lesquels nous passons tous : sang, bile jaune, bile noire et lymphe. Sans rentrer dans les détails de ces substances, celle qui nous intéresse est la bile noire (ou atrabile) sécrétée par… la rate ! Selon les préceptes du plus célèbre médecin grec, l’atrabile est un liquide froid et sec qui régit l’anxiété. Donc en avoir trop signifie sombrer dans la mélancolie. Pour ce qui est du rapprochement avec le mode de cuisson du court-bouillon, difficile à expliquer malheureusement, peut-être simplement un bon mot, une sonorité efficace. Quoiqu’il en soit, vous connaissez déjà des proverbes très similaires, comme “se faire du mauvais sang” ou “se faire de la bile”.
Avec le retour du froid et du mauvais temps, il est aisé de se laisser emporter par le spleen, rien de tel qu’une bonne soupe pour lutter contre la morosité.
Hugo
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