Avec PressPepper
L’EARL des Herbauges et la SARL Yves Lambert étaient poursuivies pour « fraude » et « escroquerie » après avoir obtenu ou tenté d’obtenir, entre 2009 et 2012, 68.000 € de subventions européennes pour la première et 55.000 € pour la seconde.
Dans cette affaire renvoyée à deux reprises, les deux sociétés et leurs dirigeants étaient accusés d’avoir agi avec l’aide d’un intermédiaire hispano-taïwanais, Wei Hsu Soon, qui était poursuivi à leurs côtés. Elles avaient aussi monté un Groupement d’intérêt économique (GIE) Loire Connection pour « mettre en commun » leurs frais liés au « grand export ».
Avec un million de bouteilles produites par an, dont 900.000 destinées à l’international, le Domaine des Herbauges à Bouaye est en effet aujourd’hui le « plus gros exportateur de muscadet » de la région nantaise et compte parmi ses clients le groupe de grande distribution Carrefour. L’entreprise compte une quinzaine salariés et une dizaine de saisonniers.
« La personne qui est à juger n’existe plus »
L’exploitation de Saint-Just-sur-Dive, quant à elle, est plus modeste : elle écoule à l’étranger « 70 % » de ses 330.000 bouteilles. Son vignoble a été créé « à partir de rien » en 1996 par Yves Lambert, avant que celui-ci ne décède brutalement en mai 2011. Le producteur de vins de Saumur a été repris par son fils Arnaud, lui-même diplômé en viticulture et en œnologie.
« En mode survie » après des « années noires » et le décès de son père, celui qui s’est retrouvé gérant « par obligation » de l’entreprise familiale a « arrêté ce modèle économique qui ne correspondait pas à ce que je voulais faire ». « La personne qui est à juger n’existe plus », avait-il dit au tribunal correctionnel de Nantes au début du procès.
Les poursuites à l’égard des deux exploitations avaient en fait été engagées à la suite de contrôles opérés en 2014 par FranceAgriMer, l’organisme chargé en France d’instruire les dossiers d’aides agricoles et de procéder à leur versement.
Elles avaient en effet sollicité des aides pour financer leur « programme de promotion » de leurs vins à Hong-Kong et Taïwan, mais il était apparu que les factures demandées en guise de justificatifs avaient été « fabriquées » par les demandeurs.
« Pas un euro n’a fini dans ma poche »
L’intermédiaire hispano-taïwanais était aussi intervenu « pour garder ses clients français » en échange d’un « reversement » de 15 à 20 % de la subvention. Devant les enquêteurs, le viticulteur de Saint-Just-sur-Dive aurait ainsi « reconnu avoir poursuivi le système de fraude mis en œuvre par son père », a relaté la présidente du tribunal correctionnel dans son rapport.
Les procureurs de la République d’Angers et de Nantes avaient donc été saisi de ses plaintes, avant que l’enquête ne soit finalement centralisée à Nantes. Celle-ci a depuis « remboursé » 15.000 € de subventions et son homologue de Bouaye a quant à elle « accepté de reverser » un peu moins de 35.000 € pour les « anomalies » détectées dans leurs factures.
« FranceAgriMer n’acceptait pas les factures en chinois », a expliqué en fait ce jeudi 30 novembre 2023 Jérôme Choblet, vigneron de Bouaye âgé aujourd’hui de 48 ans, à la barre du tribunal correctionnel de Nantes.
« Pourtant, derrière chaque facture, il y a une prestation : pas un euro n’a fini dans ma poche », a répété ce fils, petit-fils et arrière-petit-fils de vigneron. « J’avais un visa tamponné, des factures de nuits d’hôtel et des photos de moi sur des stands, mais ce n’était pas suffisant pour eux ! La solution a donc été de faire des factures de regroupement. »
Une administration « trop rigide » et « tatillonne »
« Le travail de promotion a bien été fait, on a vendu du vin en Chine et on continue d’en vendre », a-t-il rappelé aux trois juges nantais. Reste que, pour le procureur, le viticulteur de Bouaye avait « conscience » que des factures avaient été « modifiées » ou « antidatées » pour « coller avec les critères » d’attribution des aides à l’export de FranceAgriMer.
Selon lui, les prévenus reprochent à FranceAgriMer d’être une administration « trop rigide » et « tatillonne » sur le respect de ses procédures.
Au final, sur le plan pénal, l’exploitation de Bouaye a été condamnée à une amende de 15.000 € avec sursis, et son gérant à six mois de prison avec sursis. La SARL Yves Lambert a elle écopé d’une amende de 10.000 € avec sursis. Son actuel gérant a en revanche été relaxé à titre personnel. Leur intermédiaire hispano-taïwanais a lui écopé de trois mois de prison avec sursis.
Les deux exploitations devront en revanche payer chacune une amende douanière de 10.000 €. Le Domaine des Herbauges devra enfin verser 34.000 € de dommages et intérêts et 1.500 € de frais de justice à FranceAgriMer
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