Derrière les rideaux feutrés de la résidence de luxe prospéraient l’indigence et l’horreur. A Neuilly, banlieue coquette et fortunée de la capitale, Orpéa propose toujours de vous accueillir «dans cet établissement de haut standing qui met à votre disposition un cadre de vie privilégié (…). Depuis les terrasses de la Résidence, vous pourrez profiter d’une vue imprenable sur l’Île de la Jatte (…) Les prestations hôtelières haut de gamme et le raffinement de la décoration intérieure sauront rendre votre séjour agréable. Les petits animaux de compagnies sont les bienvenus » Cet Ehpad ***** dont la promotion sévit toujours sur le net n’est autre, rappelons-nous, que celui qui a défrayé les chroniques après la publication des «Fossoyeurs», livre de Victor Castanet, il y a tout juste un an. Cette enquête journalistique remarquable révélait alors au grand public les atrocités de la maltraitance organisée et lucrative des anges gardiens de nos fragiles aînés. Un scandale retentissant dont il avait été pourtant fait écho en 2018 dans l’énoncé des dysfonctionnements posé avec acuité par l’oeil expert d’Elise Lucet dans son émission «Envoyé spécial». En ce temps-là, les réactions furent modestes et un vent d’amnésie balaya les soubresauts d’une indignation mesurée, parfaitement injustifiable. On sait ce qu’il advint, malgré la litanie d’excuses et de mensonges des tortionnaires cupides qui bâtissaient leur fortune sur le dos des résidents, des employés, dans le confort généreux des fonds publics. Pensionnaires en abandon, personnel insuffisant, soins aléatoires repas rationnés, assuraient la bonne gestion financière et les bénéfices propres à rassasier l’appétit féroce des fonds de pensions actionnaires. Auditionné par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, Jean-Claude Brdenk, ancien directeur général délégué du groupe, avait réfuté en bloc ce qu’il considérait comme des allégations et, sans vergogne, s’était enorgueilli d’une initiative altruiste avec la mise en place en interne d’un programme de prévention de la maltraitance ! Un apogée du cynisme révélateur de l’asservissement total des ilotes du pouvoir de l’argent.
Le commerce de la vieillesse
Car de l’argent il s’en brassait dans les coulisses de cette mission de service public gérée en mode Thénardiers par un groupe privé à but très lucratif. Assis sur un tapis d’argent « social » couvrant grassement les dépenses inhérentes aux soins, aux salaires des médecins coordonnateurs, infirmiers et aide soignants, les malandrins faisaient odieusement de l’argent sale sur ces prestations hautement tarifées. Et, pour quelques dollars de plus, n’hésitaient pas à toujours plus espacer les soins, compresser le personnel et le prix des repas qui, par pensionnaire, ne devait excéder un coût de 5 € (petit déjeuner, déjeuner, goûter et dîner compris). Augmenter les marges à tout prix pour accroître les profits était le leitmotiv de l’hideux dessein de ces chasseurs de primes qui, par ailleurs, faisaient payer fort cher l’hébergement des maltraités (de 5 000 € à 12000 € mensuels). Et ce sous le contrôle distant de l’Agence Régionale de Santé, mise en alerte par de très nombreux témoignages de pratiques barbares et inhumaines. Devant l’ampleur du scandale qui percutait de front le sujet prégnant de l’accompagnement des personnes âgées, fragiles et dépendantes, le gouvernement s’est emparé du sujet, décidé à rétablir l’ordre et la morale dans les Ehpad. Un an après l’agitation médiatique et politique, un acte significatif vient entériner cette impérieuse nécessité. La Caisse des Dépôts et Consignations, bras financier de l’Etat a pris le contrôle du Groupe Orpéa et détient désormais 50,2% du capital. De quoi remettre de l’ordre dans la maison après d’interminables tractations avec les créanciers contraints d’abandonner 70% des 3,5 milliards de dettes détenues. L’addition est lourde pour les prêteurs de deniers et les actionnaires déprimés de ce fleuron surendetté par des spéculations immobilières très hasardeuses, compensées par la rente juteuse du commerce de la vieillesse. Cette obscénité devrait donc prendre fin avec la main tendue des financeurs publiques qui ne pouvaient se résoudre à la disparition économique du géant français des Ehpad et de ses 26 000 salariés. La voie est ouverte d’un exercice de vigilance accrue sur les opérateurs privés. Gageons qu’elle s’exercera sur l’ensemble des acteurs pour que de telles dérives n’altèrent plus jamais le bien-être et les bonheurs rares de ceux qui nous ont aimé et construit.
Georges Chabrier
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Commentaires 5
Bonsoir Il n est pas inutile de rappeler que au début du scandale les actionnaires principaux d orpea était la caisse de retraite du Canada 14.5% le holding de la famille Peugeot 5% et une filiale de Natixis filiale de la BPCE4% (banque populaire et caisse d épargne) le reste (flottant) A côté des purs capitalistes il est quand même étrange de trouver un fond de retraite et une banque coopérative M enfin Salutations
Pourquoi toujours parler des grands groupes? Il faudrait regarder ce qui se passe dans les maisons de retraite proches de chez nous! Merci à monsieur Goulet d’y penser.
Pour une fois que les riches paient le prix fort, mais quelle tristesse de voire comme on traite les vieux en France ; ils sont accusés de tous les maux et tellement mal aimés, mon grand père s’est vu traiter de » vieux débris » plusieurs fois dans sa cage d’immeuble est-ce une insulte raciste ?
Bravo pour cet article, mais il ne faut pas oublier certains coupables, tels que les services de contrôle de l’Etat qui n’ont pas fait leur boulot. Ils n’avaient soi-disant pas le temps et le personnel pour faire ces contrôles. Rappelez donc combien de contrôles ont été réalisés depuis la sortie du bouquin avec pas plus de personnel. Le hasard…
puissiez-vous dire vrai … quand on est gouverné par des libéraux qui donnent des milliard aux grandes entreprises en réduisant toujours plus les services sociaux, on peut douter de leur sincérité