La trêve olympique n’aura pas lieu. Pour certains, pourtant, férus des émotions du spectacle vivant offert par l’élite sportive mondiale, elle s’est imposée, fraternelle et universelle. Instant magique les élevant, ailleurs, hors du temps compté de leurs arias du quotidien, des réalités sensibles de leur histoire dans une Histoire commune dont les faits d’armes s’inscrivent à l’encre de ces Jeux. Nos Jeux, tant attendus, contestés, redoutés et éclairés par l’audacieux récit de la cérémonie d’ouverture interprétée en douze tableaux exaltant le passé et le présent dans un imaginaire pétulant, mais réconciliant. Mais las, si l’extrême splendeur de la mise en valeur de notre capitale, si la féerie, la créativité et le talent de l’équipe artistique de Thomas Jolly (Fanny Herrero, Leïla Slimani, Damien Gabriac et Patrick Boucheron) ont marqué les esprits, ils ont, dans le même temps, ravivé quelques flammèches enkystées dans des foyers ardents. Et tous les prétextes sont bons, surtout les surinterprétations fantasmées de performances excentriques d’un Schtroumpf bleu, dieu du vin et du théâtre. Philippe Katerine n’est pas Dionysos et les drag-queens (un peu trop exposés) pas les apôtres d’une Cène qui n’était en fait qu’une scène. L’acteur s’est excusé d’avoir pu choquer la communauté chrétienne ce qui, a priori, ne suffit pas pour calmer les offuscations d’Elon Musk, de Donald Trump, Tayyip Erdoğan, Viktor Orbán, du Kremlin, de Marion Maréchal ou encore de monsieur Jean-Marc Morandini, un cocktail de références en matière de tolérance et d’humanisme. « Aussi légitimes que soient ces réactions, il serait dommage d’en rester au constat de leur existence. » explique Pierre Alexandre Collomb, jésuite, étudiant en théologie des arts, dans les colonnes du journal La Croix. « C’est l’œuvre qu’il s’agit d’écouter ou de voir. La tentation est forte de chercher à immédiatement interpréter, voire de prêter des intentions à l’auteur… Une autre tentation peut être de se focaliser sur un morceau qui déplaît et à partir duquel le tout sera jugé. Or c’est l’ensemble qui donne sens à la partie. Dans le cas de la cérémonie d’ouverture, isoler un ou plusieurs extraits qui ont suscité la polémique ne rend pas justice à l’ensemble de la proposition, surtout lorsqu’elle se veut œuvre de réconciliation. »
Passé, présent et futur
Et c’est bien cette dernière ambition que portaient les personnalités fondatrices de cette présentation culturelle de la cité hôte JO 2024. Comme l’explique si bien l’historien Patrick Boucheron dans une interview fleuve et passionnante accordée à la revue européenne Le Grand Continent. « Dans le cas présent, nous avons voulu raconter l’histoire d’une ville qui accueille le monde et qui fait parade de ses puissances imaginantes, des puissances qui sont le contraire de la force, puisqu’elles n’ont rien de martiales… Nous avons voulu donner à voir un portrait un peu ressemblant du moment que nous vivons. Du moment, c’est-à-dire des fragments de passé dont est fait ce présent, mais aussi des éclats de futur qu’il laisse deviner. Comment voulons-nous vivre ensemble ? » Vivre ensemble et sortir des raisonnements spécieux, des polémiques captieuses guidées et entretenues par les stratèges de la discorde. Tous ceux qui divisent, clivent et affaiblissent pour mieux régner, exister, sanglés dans des postures médiocres, insolentes et haineuses, antithèses des valeurs solidaires et fraternelles portées par l’olympisme. L’amitié, le respect et l’excellence existent, s’expriment et communient dans les compétitions, les passions et ferveurs extrêmes de communautés réunies et soudées sous leurs bannières multicolores brassées et balayées par un vent de bonheur, de bien-être collectif. Et qu’importent l’or, l’argent et le bronze, qu’importent les médailles, la parenthèse est ouverte, enrichie d’inoxydables souvenirs. Elle se refermera le 8 septembre dans la nef majestueuse du Grand Palais, sur les touches et ippons des escrimeurs et judokas paralympiques. Sur des assauts martiaux, résolus et vigoureux, augustes et nobles. A deux pas de l’Assemblée nationale, ça fait rêver ! Comme l’olympisme et les vacances.
Georges Chabrier
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