« Je respecte la cour et le verdict ». Malgré la lassitude, l’épuisement d’une épreuve hors normes, Gisèle Pelicot a dignement remercié tous ceux qui lui ont donné la force de rester debout, épaulée et confortée pour mener son audacieux combat sur la scène publique. « Je n’ai jamais regretté d’avoir refusé le huis clos » a-t-elle modestement répété au sortir du retentissant procès des viols de Mazan et des condamnations exemplaires prononcées à l’encontre des 51 accusés. Des violeurs cornaqués par un mari pervers, des voisins-clients de « badinages » sordides, barbares, organisés dans le cocon familial. Pour beaucoup, et à juste titre, Gisèle Pelicot est devenue malgré elle une héroïne, ambassadrice d’une cause dont l’écho s’est largement répandu à l’appui d’un tribunal ouvert sur notre société. « le viol ordinaire, accidentel et involontaire » n’existe pas ont souligné les magistrats pour légitimer les sentences, le préjudice de la victime, le combat de femmes dont la cause est proclamée, mais encore celée par un engourdissement culturel prégnant. D’ailleurs fort peu nombreux et surtout nombreuses sont les politiques à s’être épanchés sur des tweets pour accompagner le calvaire de Gisèle Pelicot, sinon tardivement pour être à l’unisson des images de liesse saluant sa sortie du cauchemar. Souvent le droit ou le bon droit, soit la justice, s’apprécie favorablement pour autrui, un peu moins dès lors qu’elle s’entremet dans de petites affaires pour discréditer d’honnêtes gens victimes de « procès politiques. » Marine Le Pen, en sait quelque chose, Nicolas Sarkozy aussi, premier parmi les anciens chef d’Etat à porter un bracelet électronique pour purger une peine de prison ferme. Il va faire appel auprès des instances européennes et aura tout loisir de peaufiner ses défenses au coin du feu, dans sa résidence sécurisée du XVIᵉ arrondissement de Paris. Bien d’autres nuages chargés de présomptions s’amoncèlent en effet sur son horizon judiciaire. Dès début janvier prochain devrait s’ouvrir son procès pour des soupçons de financements de sa campagne 2007 par des fonds du dictateur libyen Kadhafi. Puis suivront les affaires Bygmalion (fausses factures), Ziad Takieddine, Quatargate (Coupe du monde de football), Lagardère/Qatar, puis enfin l’affaire de la compagnie d’assurance russe Reso-Guarantia. L’homme, bien entendu, est innocent victime d’un acharnement inique.
Sous le sable des lagons, la misère
Il est en réalité d’autres formes d’injustices véritables beaucoup plus remarquables, échappant à la rationalité ordinaire des comportements humains. L’œil d’un cyclone s’est posé sur Mayotte frappant d’une ampleur inédite des populations miséreuses, démunies, exposées et offertes inéquitablement aux fureurs de Zeus, Thor ou Jupiter, aux vents de leur colère destructrice et discriminatoire. Le bidonville de Kawéni a été complètement détruit précipitant, à lui seul, quelque 20 000 misérables dans l’expectative, la prémonition d’une chronique macabre cruelle, inadmissible. A la faveur de cette tragédie humaine le rideau s’est levé sur la cuistrerie d’un Etat qui cache sous le sable de bleus lagons, la misère insolente d’un détachement coupable. En temps ordinaire, déjà, les enfants sont à contribution, faisant la queue des heures durant pour récupérer quelques bouteilles d’eau. Au robinet, la ressource vitale est de plus en plus rare. Nous sommes dans un département de France, loin des yeux, loin du cœur de notre territoire, des fontaines, des réseaux entretenus de la distribution qui alimentent en continu les abris de pierres, de tuiles et d’ardoises de notre riche et confortable patrimoine. La France a rayonné dans les allégories scintillantes des Jeux olympiques, la reviviscence de Notre-Dame, puisse-t-elle se repentir et, dans la performance, rebâtir et protéger honorablement l’avenir de sa famille Mahoraise. Sur l’Archipel, la dévastation est totale laissant craindre des crises alimentaires, sanitaires et sécuritaires affectant l’ensemble des populations locales, soient-elles indigènes ou immigrées. Les « illégaux » des Comores difficilement recensés et déjà mis en terre par leurs proches compteront parmi les victimes d’un bilan final que nul n’ose encore imaginer. Notre ministre démissionnaire, Bruno Retailleau, les a ignoblement fustigés en un temps où le malheur imposait la pudeur. Ces victimes ne réclameront rien, elles bénéficieront, dans le silence, de nos identiques chagrins.
Georges Chabrier
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