Edito du Kiosque : les « croquants » se rebiffent

La France s’embrase, le gouvernement tremble, les agriculteurs ont envahi nos routes pour exprimer colère et désespoir. Déterminés, ils bravent l’institution pour obtenir sans délai des réponses à leurs revendications fermes, nombreuses et justifiées.

Le bras de fer est lancé. Les paysans de France déploient leur colère aux quatre coins du pays, bravant le nouvel ordre prôné par un exécutif qui cache mal une certaine inquiétude. Même Gérald Darmanin, Ministre de l’intérieur, rentre les muscles, détournant prudemment le regard sur l’enflammement des passions, des ronds-points, de la paille qui menace les édifices publics. La révolte paysanne inquiète, fait peur en écho d’une histoire constellée d’épisodes douloureux et sanglants souvent réprimés, en un temps par la noblesse, puis par les différents pouvoirs. Les Jacques, ces cul-terreux, croquants, péquenots, bouseux sont une partie de nous-mêmes, de notre patrimoine dont la sauvegarde est encore essentielle. Alors, on ne touche pas aux descendants des ancêtres d’un pays de France qui, jusqu’au XIXe siècle resta à 90% une terre agricole. On ne touche pas au « labourage et pâturage que sont les deux mamelles dont la France est alimentée et les vrais mines et trésors du Pérou. » Ainsi pensait Sully, grand conseiller d’Henri IV et grand défenseur du maintien d’un revenu agricole décent capable d’assurer un minimum d’échanges intérieurs. Il voyait juste, notre agriculture est une véritable richesse, pas une utopie comme cet or convoité de pays lointains pillé par les espagnols dans de sanglantes expéditions. Mais aujourd’hui, être paysan, ce n’est vraiment pas le Pérou. L’endettement, les huissiers, les faillites et les suicides alimentent les silos de misère de tous ces exploitants agricoles en quête de survie et d’honneur. « Quand le paysan va jusqu’à donner son argent, son sang ne compte plus après » prévenait déjà Jules Michelet, en termes d’avertissement aux insurrections latentes.

Tout le monde est concerné

Comme à l’accoutumée, d’ailleurs, ces soulèvements ne sont mus par aucune considération politique, mais uniquement par des motivations financières et existentielles liées aux diverses charges qui obèrent les revenus du labeur, aussi modestes fussent-ils comme le décrivait avec pudeur Jean Giono. « La mesure que le paysan ne doit pas dépasser, c’est son nécessaire, le nécessaire de sa famille, le nécessaire de quelques artisans simples, faciles à dénombrer, qui produisent à côté de lui les objets indispensables à son travail et à son aisance. ». Temps révolu. Accablés par les fardeaux financiers, les normes administratives et environnementales, les concurrences déloyales des marchés ouverts, la poigne scélérate des grands distributeurs de low cost, ils ploient jusqu’à toucher la terre et ses tréfonds sans aucun espoir de rebond. D’avenir ils ne parlent plus, confortés par l’indifférence de ceux qui n’anticipent jamais, qui parlent, promettent et pratiquent pusillanimement l’omerta sur la profonde et triste réalité. Alors, aujourd’hui, ils revendiquent, rugissent et menacent d’encercler Paris, la capitale et ses ministères feutrés plongés dans un effroi non feint. Ils brûlent, créent le désordre, expriment sans détour leur douleur sous l’œil attendri, complaisant et terrorisé des responsables, inconditionnels admirateurs qui, dans un mépris absolu, avaient oublié leur misère. Le chemin sera long pour semer les germes d’une future concorde sur les terres universelles de la raison et de l’aberration. Tout le monde est concerné, l’Europe, l’Etat et nous tous, consommateurs avertis mais trop souvent pressés.

Georges Chabrier

Commentaires 13

  1. Contribuable 1 says:

    Les agriculteurs ont leurs raisons de manifester…. mais pas raison de tout casser de faire ce qu’ils font , je n’approuve pas leurs actions….. et d’ailleurs nous aussi …….consommateurs ont pourrait aussi manifester et se révolter !!!!avec notre pouvoir d’achat qui diminue chaque mois….. pauvre France où vas tu ??

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  2. Criquet says:

    Serions- nous devenus insensibles? La France se veut touristique? Et quand les restaurateurs ne pourront plus nourrir les touristes? Où ceux-là iront-ils ? L’eau pour certains ( pour les centrales électriques) Quand la chaleur sera revenue il faudra faire des restrictions, et les terres agricoles qui viendra les arroser? A chacun de nous de prendre conscience.faut-il subir ou prévenir?Les jachères demandées par les écolos européens.

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  3. Criquet says:

    Je suis ok avec Georges Chabrier
    Je me souviens ce que nous faisait remarquer un professeur de 3eme: « À toutes les insurrections chaque fois que les femmes descendaient dans la rue c’est qu’elles avaient du mal à nourrir leur enfants. » Les politiques quelque soit leur parti pourraient méditer cette phrase.

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  4. Edj says:

    en 2021, le revenu annuel brut moyen des ménages agricoles est estimé à 52 400 euros, soit environ 4 360 euros brut par mois.
    Source INSEE

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  5. citoyen says:

    faire comme en Argentine: la facture des dégradations est envoyée aux syndicats…. pas possible de faire bruler des pneus, d’arroser de lisier des établissements publics… de casser
    autre commentaire: qq professions peuvent bloquer le pays: routiers, cheminots pour la sncf, agriculteurs, employés de raffinerie… mais les autres? les plombiers ? égalité?

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  6. Airpur49 says:

    A EDJ:
    Je ne vois pas où vous allez trouver ces chiffres.
    Merci de privos sources.

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  7. Bernard says:

    Les députés s’octroient 300€ supplémentaire de frais de mandant le conseil constitutionnel augment son budget de fonctionnement pour nous en début de mandat Macron supprime 5€ sur les APL l’électricité augment de 8 à 10 % la franchise médicale doubles pour les médicaments et les consultations.
    Ce gouvernement tape sur les plus petits des Français depuis 7 ans alors oui le monde agricole se soulève et tous, nous devons les soutenir, et entrer en révolte contre ce gouvernement.

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  8. Fremon says:

    Ok sur le principe de la manifestation car ils sont comme beaucoup d’autres corps de métier impossible de vivre ! Mais pas d’accord qu’ils ouvrent le ventre d’un sanglier ….deversent lisiers etc ….
    C’est nous qui allons payer les dégâts !! Envoyez la facture aux syndicats. J’espère que l’état va réagir rapidement car on va manquer de produits dans les magasins ! Et notre France est saccagée ! Messieurs les agriculteurs, manifestez intelligemment

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  9. Jean Pierre NAU says:

    8% des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté
    Selon l’Insee en 2021, le revenu moyen annuel des ménages agricoles s’élevait à 52.400 euros. revenu de l’ensemble du foyer et non par un seul agriculteur. et précise que seul 17.700 euros proviennent de l’activité agricole.
    Soit , 1.475 euros brut mois , le Smic s’élève lui à 1.766 euros.
    Donc presque 300 euros de moins que le Smic, Ce avec d’importants écarts entre les différents types d’exploitations.

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  10. Ça s'empire says:

    Hé oui les députés se servent . Belle augmentation. Sans scrupules
    Scandaleux…

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  11. THOR says:

    En lisant les commentaires, il y a beaucoup d’incohérences ! Les uns soupçonnent que les agriculteurs mentent sur leur revenu, d’autres s’opposent à ces chiffres ! Les faits sont là : ceux qui tirent leur épingle du jeu sont les GROS céréaliers qui touchent des aides de l’Europe grâce à leurs ENORMES hectares : ceux là ne dévoilent pas leur vrai revenu !

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