Il y a quelques jours disparaissait Madeleine Riffaud. Méconnue du grand public, cette centenaire était pourtant la dernière figure emblématique de la Résistance féminine française. Poétesse engagée, estimée pour la finesse et l’acuité de ses analyses, elle aura attendu près de 50 ans pour livrer le témoignage de son parcours dans d’émouvants ouvrages et documentaires et, très récemment, dans un concours privilégié à l’édition de BD coproduites avec Bertail et Morvan. Amie de Paul Eluard, de Pablo Picasso ou d’Hô Chi Minh, elle fut journaliste puis correspondante de guerre pour le journal “l’Humanité” poursuivant son cheminement débridé sur les champs de bataille d’Indochine, du Vietnam ou encore d’Algérie, partout où le « monde ne va pas », au fil du siècle marqué par ses premiers combats contre l’adversité. « J’avais pas mal de travail, comme toutes les femmes qui ont raccommodé le filet brisé de la Résistance. A chaque fois que quelqu’un était arrêté, ça cassait une maille. Et nous, nous faisions du rapiéçage en rétablissant les liaisons. Nous étions les petites mains des réseaux. Beaucoup ont été arrêtées, suppliciées, déportées et éliminées. Les Allemands trouvaient que ça leur donnait une mauvaise image d’exécuter ces dames en France, alors ils les envoyaient à Berlin se faire décapiter.» Arrêtée et torturée par la Gestapo, elle échappa miraculeusement au peloton d’exécution et se promit, au sortir de la guerre, d’exprimer l’indicible horreur des conflits. Comme elle, contre des préjugés fortement établis, sont étonnamment nombreuses les femmes à exercer leur profession sur les théâtres d’affrontements. Le métier s’est largement féminisé modifiant ainsi la nature de reportages plus sensibles aux conséquences humaines des déflagrations.
De Bagdad à Gaza
Depuis 2009, près d’une cinquantaine d’entre elles ont péri, perdu une vie hors du commun, dévorante et dangereuse, au service de notre information, de l’actualité à laquelle contribuent toujours quelques habituées des médias. Patricia Allemonière, Marine Jacquemin, Anne Nivat, Anne-Claire Coudray, Anne Barrier, Liseron Boudoul ou Dorothée Ollieric notamment, comptent encore parmi les chroniqueuses spécialisées dont on apprécie les autopsies émotives et pertinentes sur les plateaux repus de tragédies sanglantes. De Mossoul à Kaboul, elles ont égrené le chapelet des batailles cinétiques désormais entrecoupées d’actes hybrides nombreux et variés commis dans l’interconnexion mondiale des données de tous genres. L’ingérence, la désinformation et les cyberattaques se sont agrégées au terrorisme, inaltérable expression des idéologies barbares. Il y a neuf ans, du 13 au 14 novembre, la nuit parisienne s’embrasait au feu des kalachnikovs dans des raids inattendus, brutaux et meurtriers. Du Stade de France au Bataclan, les djihadistes de Daech semèrent l’effroi, massacrant ou mutilant 543 personnes simplement coupables d’avoir croisé le diable. La nation a décidé de leur consacrer un jardin mémoriel, place Saint-Gervais, dans Paris. A « Ris Pas » comme évoqué dans l’émouvant clip illustré de Fox Kijango. Neuf ans après avoir écrit cette chanson, l’artiste suisse a décidé de publier son hommage, affirmation du néant et de la fragilité ressentis après l’horreur. « Ce que je n’aimais pas dans Paris, c’est ce qui me manque aujourd’hui » écrivait-t-il. « Des humains qui s’étreignent pour combattre la haine ». Naturellement, les événements des 13 et 14 novembre 2015 se dilueront dans l’Histoire, comme le font à pas feutrés et régulièrement d’autres événements macabres attachés aux victimes du pire, dans le simple exercice de leurs fonctions. Journalistes et reporters payent un lourd tribut dans leurs quêtes de vérité ou d’informations. En 2023, 22 sont tombés à Gaza, 11 en Ukraine, venant entretenir la statistique effroyable de l’Unesco confirmant que l’un d’entre eux était tué tous les 4 jours sur la planète, abattu par armes à feu ou sous les bombes florissantes de fielleux débridés.
Georges Chabrier
*Editions Dupuis
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