Le grillon jalousait le beau papillon louangé pour son vol éthéré et sa livrée chatoyante. Puis, il se ravisa, préférant sa condition d’animal camouflé à celle du batifoleur, enchanteur et pourchassé. Pour vivre heureux, vivons donc caché, en quelque sorte, dans la raison qui tempère et discipline parfois l’ambition. Facile à dire, mais pas forcément à faire quand l’aspiration est forte d’accaparer la lumière sur le champ réduit de sa propre personnalité. Le risque d’infortune est alors à la dimension du dessein trahi. Ainsi, Laurent Wauquiez vivait heureux dans sa belle et verte Région Auvergne-Rhône-Alpes. Confortablement établi dans son statut de président, il étoffait sa dimension pour se rapprocher de la fonction suprême. A distance, discrètement, l’énarque normalien organisait généreusement sa cour dans les bouchons lyonnais aux frais parfois exorbitants de la princesse. La Chambre Régionale des Comptes, le titilla sur ses dîners « organisés dans des conditions peu transparentes et dans le but principal de promouvoir l’image personnelle du président (…), seul élu présent, pour un coût total de 178 428 €. » Quand on aime on ne compte pas. A la tête du groupe LR, devenu la Droite républicaine en 2024, les choses allaient à bien. L’horizon s’émancipait de tous ombrages sur la voie royale d’un nouveau leadership, marchepied de confort vers le perron élyséen. C’était écrit, ou presque, jusqu’en septembre dernier et la passation de pouvoir entre Gérald Darmanin et Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur. L’ancien élève de l’École d’application de l’arme blindée cavalerie de Saumur (1982/1983) était en selle pour la compétition, érigé en boxer impraticable dans la carrière promise au tenant du titre.
Cayenne s’est fini
Le résident de Beauvau en fit à son aise dans la lumière des médias, d’une actualité idoine pour porter ses idées, son programme parfaitement corrélé avec son concurrent. Laurent Wauquiez se faisait voler la vedette, devancé dans tous les sondages par celui qui, bientôt, allait lui subtiliser les rênes des Républicains et la stature de potentiel chef d’Etat. Que lui restait-t-il, sinon faire du bruit, du tapage, de la surenchère pour détourner l’attention confisquée par le chouchou des aspirants conservateurs et autoritaires. La sortie de route était inévitable. Wauquiez la fit, sidérant l’échiquier politique mobilisé à l’unisson pour dénoncer l’absurdité, l’ineptie et la malveillance de son propos sur Saint-Pierre et Miquelon. Déjà malmené par Trump, ce petit bout de France aux maisons colorées ne deviendra pas un centre de rétention pour les OQTF, pas plus pour des condamnés ou des opposants politiques. Henri Charrière, alias « Papillon » et le capitaine Dreyfus connurent Cayenne et l’Ile au diable, le bagne a disparu en 1944. L’aberration du projet, auquel l’auteur avisé ne pouvait lui-même croire, a semble-t-il été dictée par un besoin frénétique d’existence. Il a fait flop et lui reste désormais à conjecturer des solutions raisonnées pour l’immigration, l’Algérie, le voile et les fameuses ZFE (zones à faibles émissions) pour tenter d’effacer le discrédit de sa parole. L’ouvrage s‘annonce ardu tant le clientélisme ne favorise guère la créativité. Être trop à l’écoute du vent pourrait bien s’avérer une ambition de feuille morte.
Georges Chabrier
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