Il sait de quoi il parle. Les Jeux Olympiques il les a pratiqués assidument, excellemment. Par trois fois, Tony Estanguet s’est paré d’or, à Sydney (2000), Athènes (2004) et Londres (2012), dans une de ces disciplines qui se réinventent sous la flamme éphémère, tous les quatre ans. Le C1 slalom (canoë monoplace), exercé entre les portes d’un parcours tracé en eaux vives, lui offrit donc la gloire, l’aura et les honneurs pour présider le comité d’organisation des JO de Paris. Une distinction méritée en regard d’un palmarès éloquent dans un sport confidentiel dont l’élite ne s’enrichit généralement que d’un profond respect. Tel fût le cas pour Estanguet, athlète scrupuleux, acharné, effacé et modeste, métamorphosé dans l’expression exubérante de son statut actuel. Sa transmutation est saisissante pour extrapoler de ses succès altruistes vers le business fructueux d’une fonction aux attraits mercantiles. Le porte-drapeau du COJO 2024 est dans la tourmente d’un tapage médiatique inhérent à l’explosion du budget de la masse salariale de son organisation revue à la hausse de quelques 115 millions d’euros pour atteindre, aujourd’hui, la coquette somme de 585 millions d’euros. La Cour des comptes avait alerté sur ces dérapages financiers, sans effet, constatant à regret le coût total des cinq rémunérations les plus élevées porté à 2,2 millions d’euros par an, parts variables et primes de « fidélité » comprises. Ouf ! les bonus sont inclus, ou presque, puisque le contrat particulier du mieux rémunéré, en l’occurrence Estanguet prévoit une petite rallonge de 10% sur l’ensemble de ses gains au terme de l’aventure. Sommés de s’expliquer devant une commission parlementaire et le feu des médias, le président et son porte-parole, Michaël Aloïsio, assument, le verbe sûr, la tête haute, une obligation d’excellence : « On a dû aller chercher les meilleurs talents, parfois en les débauchant, et c’est le comité des rémunérations, dont c’est l’objet, qui a défini les bonnes grilles de salaires. » Dont acte ! Circulez, y’a rien à voir, on ne lésine pas avec les génies et… l’argent public.
Vous avez dit rigueur !
Fort heureusement, 45 000 volontaires, invités en grande pompe ce 23 mars dans l’enceinte de Paris La Défense Arena, ne seront pas défrayés. Ils paieront transport, nourriture et hébergement sur leurs deniers personnels, mais les Jeux n’en valent-ils pas la chandelle ? Peut-être ont-ils d‘ailleurs déjà anticipé l’effort de rigueur réclamé par la Cour des comptes et, désormais, par le gouvernement, lui aussi épinglé pour le déficit galopant de ses finances, reconsidéré à 5,5% de notre PIB. Les dépenses de santé sont encore dans le collimateur de Bercy, à l’instar d’une nouvelle réforme de l’indemnisation du chômage. Une mauvaise nouvelle pour le gratin de notre « dream team » olympique reversé sur le marché de l’emploi sitôt les clameurs des stades consommées. Fin des CDI et, en perspective, des négociations salariales allégées liées à leurs ruptures, avec, à la clé, l’espérance légitime de confortables indemnités, amplement méritées. Gabriel Attal, notre Premier ministre, a juré que les impôts n’augmenteraient pas pour compenser les déviations incontrôlées. Une providence pour ces sacrifiés qui gloussent sous des cieux ingénus, nimbés d’indécence.
Georges Chabrier
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