Un peu comme l’âne de Buridan, j’ai bien failli m’éteindre à ne savoir choisir entre l’avoine et l’eau. Au menu du week-end sont en effet proposées deux journées mondiales qui invitent à la table de méditation. En premier lieu, ce samedi 18, tous les Terriens sont conviés à échanger sur un sujet brûlant de notre actu hexagonale, le droit de grève, puis un autre, subrepticement invité ce même jour sous les feux de projecteurs à peine éteints, le fameux pangolin. Peu de points communs relient ces sessions de réflexion sinon le souhait expérimenté d’épargner l’un et l’autre de mutilations partiales. Le droit de grève, les Français connaissent bien pour en user plus que tous autres au monde sur un parcours social balisé sous le Second Empire par la loi Ollivier en 1864. Le délit de coalition est abrogé, mais la grève est encadrée de lignes rouges à ne pas franchir; ne pas empêcher ceux qui se maintiennent au travail et ne pas commettre d’actes de violence. Les choses n’ont guère changé et la puissance de l’action se mesurera encore notablement le 7 mars prochain à l’appel d’un front syndical uni pour mettre à l’arrêt le pays. Un objectif annoncé et renforcé par la mobilisation usuelle et attendue de la fonction publique qui, chez certaines nations, ne peut y recourir. C’est le cas précisément au Japon où les travailleurs d’Etat subissent passivement les convulsions modérées de la contestation de masse. De grève, il n’est donc pas question dans cette contrée disciplinée en rien comparable dans son rapport au travail établi sur le goût de l’effort collectif, la rigueur et un besoin compulsif de réussite.
Tant qu’on a la santé
Si sa voisine chinoise n’offre pas plus de liberté à ceux qui auraient la tentation de remettre en cause le bon ordre établi par les militants et syndicalistes «officiels», ce n’est certainement pas dans le confort d’un atavisme culturel supposé. Les raisons sont toutes autres, mues par l’impérieuse nécessité d’obéir aux objectifs de production fondamentaux. Ce 18 février, le peuple chinois pourra malgré tout se consoler en badinant autour d’un thé enrichi de poudre d’écailles aux vertus médicinales, pour soigner rhumatismes, atonie et troubles érectiles! Et, vous l’avez deviné, c’est bien notre ami pangolin qui fertilise cette potion magique au prix d’un massacre organisé au loin, dans le berceau africain du mammifère, pour fournir les étals du marché de Wuhan. Tiens, ça nous ramène à quelques douloureux souvenirs dont cette victime expiatoire n’est, a priori, pas responsable. Aujourd’hui le pangolin est réhabilité, ses écailles vendues 1000 € le kilo… de quoi oublier le Covid et la maltraitance de l’animal le plus braconné au monde. Hasard du calendrier, au 18 succède le 19, en février aussi, à la grève et au pangolin succède la baleine dont la destruction cruelle reste l’apanage de la Norvège et surtout de nos amis Japonais, friands de chair et d’arguments scientifiques spécieux – traitement de la démence et troubles de mémoire – pour justifier leur pêche irresponsable, menaçante pour l’espèce. Pour soi-disant soigner leur corps et leur esprit, des hommes détruisent et pillent la nature. Et nous, nous assisterons peut-être, indignés et bouleversés, à l’échouage des dernières baleines sur les grèves.
Georges Chabrier
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