On se plaît à y croire, à l’embellie promise par l’expression œcuménique d’une révolution bienfaisante. La fraternité des êtres s’est merveilleusement exprimée dans la parenthèse enchantée des JO. Mieux encore, dans les intentions épanchées lors de la féérie corporelle et colorée de la cérémonie d’ouverture dédiée aux athlètes paralympiques Tony Estanguet et Andrew Parsons, présidents respectivement de Paris 2024 et du Comité international, ont proclamé cette révolution douce, ce changement irréversible de notre regard et de nos comportements pour humaniser le handicap. Et donc l‘idée de faire corps, de s’engager pour la liberté, l’égalité et la fraternité, pour l’inclusion de ceux que l’on a trop souvent cachés et qui aspirent, justement, à la lumière. Nos sociétés sont interpellées, comme chacun de nous, pour donner suite aux serments émis dans le halo irisé d’une euphorie impulsive. Au-delà des meilleures intentions, seule l’exemplarité du plus grand nombre servira de tremplin à cette ambition consciencieuse dont il faudra entretenir la flamme au-delà du temps qui passe, qui efface, avant que la rouille ne se soit posée sur les médailles et leurs revers. Les athlètes vont s‘affronter pour gagner, porter haut les couleurs de leur double combat, de leur drapeau parfois paré d’un luxuriant voile d’hypocrisie. N’est-ce pas le cas de l’étendard de l’Afghanistan, au premier rang des délégations pour étirer le défilé de cette médiatique marche pour l’inclusion. Un vrai paradoxe, voire une provocation alors même que ses cyniques dirigeants menacent de mort Zakia Khudadadi, émérite championne de taekwondo, réfugiée en France depuis 2021.
Handicapée et… amputées
La jeune combattante de 25 ans s’est exilée pour échapper à la prise de pouvoir des Talibans, intronisés par l’accord de Doha signé en février 2020. Après deux décennies de guerre et d’occupation, les Américains lâchaient prise laissant sans gloire ni garanties le champ libre aux fondamentalistes islamistes. Dans une version colorisée d’humanité selon Zabihullah Mujahid, porte-parole de leur bonne volonté à s’engager dans le respect des droits humains et notamment ceux des femmes. Peu convaincue, mais soulagée, la communauté internationale avait salué la bonne nouvelle et refermé pudiquement le couvercle de la boîte de Pandore. Chacun sait ce qu’il est advenu dans ce pays dévasté par les catastrophes naturelles (séismes, sécheresses) et surtout l’indigence d’une gouvernance militaire et religieuse sanguinaire, barbare. Depuis la France, Zakia Khudadadi va constater l’indignation soulevée par les dernières lois promulguées dans son pays pour institutionnaliser l’exclusion. L’effacement programmé, dans l’espace public, des femmes afghanes contraintes désormais à se couvrir entièrement le visage et le corps, à se taire afin que même leur voix ne soit plus perçue. L’inclusion d’une femme, handicapée, et l’exclusion de femmes, amputées de liberté, unissent des destins ébranlés par les tribulations de vies qui soulèvent tantôt l’émoi, tantôt l’indignation, dans l’agitation du présent. Qu’en sera-t-il demain quand l’écho de ces fièvres se sera dissipé dans nos ronrons quotidiens. A la première larme séchée, la rouille pourrait fort bien se reposer sur nos consciences et nos grands mots d’amour.
Georges Chabrier
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