Malgré les apparences, les populations européennes confessent un regain d’intérêt pour les élections de la C.E. du 9 juin prochain. Du bout des lèvres, certes, mais bon an mal an, servi par des crises menaçantes, le renouveau s’exprime malgré les difficultés de mobilisation de publics épars et dissemblables. La contrainte est substantielle, en effet, pour faire écho dans 27 nations s’exprimant en 24 langues singulières. Cette raison est essentielle pour expliquer le débat réducteur finalement cantonné à la dimension nationale des aspirants au confort du Parlement européen de Strasbourg. Si la pandémie de Covid et les convulsions internationales actuelles (guerre, énergie, climat) ont largement contribué à redorer le blason de l’U.E., rendant majoritaire (53%) le nombre de citoyens convaincus d’étendre le rôle de l’institution, la compétition demeure néanmoins locale, empêtrée dans une mosaïque très fragmentée. A l’instar d’ailleurs du gabarit continental taillé à la mesure des nationalistes, souverainistes, de libéraux et ultra-libéraux, de progressistes, de démocrates, de verts, de socialistes et communistes, de toutes ces familles qui, bon gré mal gré, perçoivent aujourd’hui les fragrances d’une union nécessaire et forcée face à l’adversité d’un monde mouvant et belliqueux. Un monde impitoyable, sous tutelle d’hégémonismes financiers, militaires, sociaux ou culturels, assumés ou revendiqués, servis en première main ou par procuration par des « proxi » gavés et fanatisés. Les Etats-Unis défendent un leadership convoité doucereusement par la Chine, la Russie anéantit ses voisins et gangrène les démocraties pour maintenir l’illusion de sa puissance tout entière asservie par le dessein maléfique de son dictateur.
Dure réalité
Et l’Europe dans ce champ miné de bombes à retardement cherche sa voie, s’interroge, prend conscience d’un avenir fatalement assuré par sa capacité à mutualiser ses forces. Le spectre des conséquences de la réélection d’un Donald Trump très isolationniste a heurté les certitudes de ses membres confortablement établis dans une concorde satisfaite et durable. Sous le dôme protecteur de son emblématique allié, elle s’est prise de torpeur, d’insouciance affermie par un opulent bas de laine. Troisième PIB de la planète, deuxième place forte du commerce international, elle s’est vue bien plus belle qu’elle ne l’est, dans la douloureuse réalité du moment. Car l’Europe n’est pas un pays, ni même un Etat fédéral et ses composantes ont trop longtemps privilégié leurs propres intérêts au détriment de cette communauté en besoin de construction politique. La tâche semble incommensurable, mais la prégnance des dangers obligera les réticents à la mesure pour édifier le tronc commun de leur indépendance et de leurs libertés. L’enjeu est capital et le choix des électeurs doit surpasser la tentation simple d’élire les démagogues, les flatteurs de vils instincts enfouis sous des parures captieuses. C’est tout l’enjeu des prochaines élections d’une Europe contrainte à la marche forcée. Elle a les cartes en main, puisse-t-elle les transformer en atouts par les votes éclairés et judicieux de ceux qui, à juste titre, souhaitent la transformer parce qu’ils croient sincèrement en elle.
Georges Chabrier
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