Edito du kiosque : Du lait, du petit lait et du laid

Notre pays traverse une crise ubuesque entretenue par des grenouillages indécents. Au jeu de l’arroseur arrosé, le Président s’enlise et Marine Le Pen se délecte d’une promotion soudaine et supérieure. Bal à Matignon, la danse du ventre est à l’honneur.
Photo AFP

Comme bien d’autres corporations, les agriculteurs patientent, guettent et espèrent que notre gouvernement, leur ministère, dévoilent les orientations et budgets attendus et promis aux lendemains de l’expression bruyante de leur détresse. D’engagements il y eut pourtant, pour circonscrire les colères apprivoisées dans une mise en scène bucolique orchestrée dans la cour d’une ferme de Haute-Garonne. C’était en janvier dernier lorsque Gabriel Attal, frais émoulu de Matignon, prenait la pose sur un pupitre de paille pour égrener le chapelet des mesures envisagées pour calmer les douleurs. Un traitement de choc dont les effets tardent à soulager les symptômes. Aujourd’hui, les patients sont en congé thérapeutique, comme tant d’autres en survivance, abstinents, dans le désert médical d’un espace législatif négligé par les praticiens. Encore des mots, toujours des mots, les mêmes mots comme disait Dalida, des paroles dont nos agriculteurs ne se satisferont pas dans le carcan d’austérité pressenti. Les récoltes 2024 sont annoncées historiquement faibles et le géant Lactalis se désengage fortement dans la collecte du lait pour compenser une rentabilité en baisse sur ses marchés internationaux. 450 millions de litres en moins, « une vraie déflagration » selon Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, pour nos producteurs et plus particulièrement ceux des Pays de la Loire ! Le généreux PDG du groupe souhaite concentrer ses efforts sur les produits vendus en France, plus rentables, et poursuivra son décrochage progressivement afin de laisser du temps aux éleveurs pour s’organiser ! Ou pour lui-même d’asseoir un peu plus encore son hégémonie sur le marché, de conforter sa pratique des prix bas, voire de gagner enfin la guerre du camembert de « Normandie ».

Marine impératrice

Notre illustre et emblématique fromage à pâte molle dont on extrait le lactosérum riche en sel minéraux (calcium et potassium, vitamines et protéines). Une vraie merveille appelée communément le petit lait, élixir anti-âge dont s’abreuve opportunément et abondamment Marine Le Pen. Elle s’en lèche les babines, boit ce petit lait, se régale de l’idée plaisante d’être, à défaut de présidente, devenue l’impératrice bysantine devant laquelle se prosternent nos gouvernants. Certains même s’adonnent à la complaisance, la séduction, la pratique d’une danse du ventre impudique pour s’attirer ses faveurs, Michel Barnier en premier lieu, obligé dans un appel pour solliciter son indulgence. Lèvera-t-elle le pouce pour épargner le gladiateur, le baissera-t’elle pour le condamner au probable trépas. Curieuse situation d’inversion des pouvoirs laissant la main à l’ostracisée mise à l’écart par le front républicain, les chantres repentants de l’arc républicain. « Au grand péril, tel a pu se soustraire, qui périt pour la moindre affaire » imageait Jean de La Fontaine dans L’arroseur arrosé. A ourdir des plans pour se débarrasser de partis gênants, à vouloir « doubler » la démocratie pour recueillir indûment les profits légitimes des vrais appelés, on s’expose à l’effet boomerang, au retour de bâton dont on ne mesure pas toujours la force. Emmanuel Macron a joué, il pourrait tomber, tout comme Marine Le Pen et son escouade rapprochée, appelés devant les tribunaux, fin septembre, pour des soupçons de détournements de fonds européens. Et pendant ce temps-là, les dindons de la farce, de cette ubuesque gasconade s’en vont aller cueillir les pommes, les figues et les coings, les fruits de leur résignation provisoire.  Aujourd’hui, la politique se perd exagérément dans sa raison par des ambitions malsaines, une insolence confondante pour nombre d’électeurs bafoués, supposés départis de bonne intelligence. La patience a ses limites, quand le rêve s’éternise, le réveil peut être très brutal.

Georges Chabrier

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