D’ordinaire, l’actualité des EHPAD surgit inopinément au détour d’un scandale, d‘une sordide affaire de bas commerce exercé sur le dos de nos attachants et fragiles aînés. La bombe explose suscitant l’indignation générale, les promesses d’un avenir mieux maîtrisé pour ceux qui « ne parlent plus, ou alors seulement parfois du bout des yeux »*. Puis le silence s’impose, lourd, pesant dans l’attente de jours meilleurs dont, finalement, nous ne nous soucions que confrontés à la réalité du temps qui passe, du déclin de ceux dont nous sommes toujours proches. Nous les visitons pour dispenser l’amour, la chaleur dans le creux d’une main crispée sur l’espoir d’un moment sans fin. Et nous croisons parfois, trop souvent, le regard triste et lointain des oubliés, confinés dans un abandon durable. Ces parenthèses éphémères brisent en pointillé la routine d’un quotidien contraint, figé par le rituel des repas, des soins et donc de ces moments d’exceptions rares, ces visites espacées dont trop se voient privés. La vie sociale s’éteint, comme les capacités des résidents que certains ont aujourd’hui l’audace et le courage de vouloir préserver, voire même réveiller.
Appels à projet
En ce sens, les initiatives se multiplient aux quatre coins de France où fleurissent ça et là les germes de nouveaux printemps. Nos fameux bistrots, dont sont inéluctablement dépouillés nos villages, refleurissent dans des EHPAD ressuscitant la vie sociale dans un élan saugrenu de solidarité. Le « MDR » (mort de rire) de Frontignan, le « Java café » de Concarneau ou « chez Georges » à Abbeville, sont autant d’îlots de bonheur retrouvé, à la grâce d’initiatives portées le plus souvent par des personnels de santé. Et ça fonctionne. Au-delà de toutes prophéties, les pensionnaires redeviennent de fidèles clients dans leur café de bon commerce. Ces tiers lieux, ouverts sur l’extérieur, recréent spontanément du lien social, entre résidents, mais aussi avec les visiteurs, les familles rassurées par un environnement transformé, approprié au bien-être des leurs. Les appels à projets se multiplient pour encourager les inspirations de collectivités à imaginer de nouvelles « places de villages » dans les EHPAD, en osmose avec l’environnement et les habitants de proximité. L’écho parviendra-t-il dans notre cité rompue à l’art de vivre. Après les guinguettes, pourquoi ne pas imaginer quelques nouveaux « bastringues » où l’on pourrait « bistouiller », sans alcool, jusqu’au bout de la nuit.
Georges Chabrier
* Emprunté à Jacques Brel
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