Edito de Michel Choupauvert : Risque de faillite d’AggloPropreté. Et si les raisons invoquées n’étaient pas les seules ?

L’entreprise-service déchets de la ville et de l’Agglo était-il mal géré ? (relire ici) Possible. On pourrait s’autoriser à penser que la direction de l’entreprise qui a pour actionnaire unique les collectivités ait pu imaginer qu’elle a obligation de résultat de services, mais pas de résultats financiers. Ce qui est le cas. Mais une chose est certaine, il aura fallu qu’elle se mette à vaciller pour que les élus s’intéressent à sa gestion et proposent une réorganisation, comme l’a expliqué le maire de Saumur en Conseil Municipal. N’y a-t-il pas un vice-président de l’agglo qui a en charge le contrôle de ce secteur ?

L’économie circulaire ne tourne pas rond…

Lors de ses explications, le maire-président n’a pas trop insisté sur la chute des prix des matières premières qui nuit gravement à la santé de l’économie circulaire. Depuis que la Chine a décidé de ne plus être la poubelle du monde et d’interdire, en 2018, les importations de déchets plastiques, c’est la Turquie qui est devenue la première destination des rebuts de l’Union européenne. Cette semaine est sorti un rapport de 200 pages de la Cour des comptes sur les déchets (lire ici). Il y est indiqué, pudiquement, que la « filière manque de maturité », mais que de grands groupes s’y intéressent et que cela devrait s’arranger… M’ouais…

Pour le papier… C’est mort

La fédération des entreprises de recyclage, avant même la tempête sanitaire, indiquait le chiffre d’affaires des 1.200 entreprises du secteur avait déjà baissé de 6 % l’an dernier à 8,5 milliards d’euros (après -0,8 % en 2018). Les cours des matières premières de certaines filières comme les papiers, cartons ou les plastiques sont au bord de la rupture. Personne n’en veut. Je connais un peu mieux celle du papier que le reste. Si on prend cet exemple, il est aujourd’hui impossible de trouver du papier recyclé chez les grossistes. Lors des dernières élections municipales, l’État, fervent défenseur du recyclage avait écrit aux imprimeurs qu’ils pouvaient utiliser, à défaut, des papiers issus de la filière PEFC, une certification forestière privée qui promeut la gestion durable des forêts. Elle est établie sur la base d’un arbre coupé, un arbre planté. En y regardant de plus près, cela privilégie la proximité et l’emploi et c’est surtout beaucoup moins gourmand en eau que le recyclage. Conséquence, même les écoles ne récupèrent plus les papiers et les imprimeurs vont devoir payer pour faire évacuer leurs chutes de papier.

Favoriser l’incinération ?

Cela fait 30 ans que l’idée de l’économie circulaire a été lancée et c’est tant mieux. Loin de moi l’idée de lui faire une tête au carré, mais peut-être faudrait-il chercher un peu dans les coins. Il faudrait peut-être abandonner l’idée d’investir dans certaines filières de recyclage qui sont non rentables par exemple. Le rapport de la Cour des comptes met aussi en avant l’intérêt de l’incinération pour la production d’énergie. Ne pourrions-nous pas envoyer le papier à l’incinérateur de Lasse plutôt que de l’affréter en bateau vers la Turquie ?

Taxation à la quantité de déchets

L’autre point que préconise que le rapport de la Cour des comptes est l’élargissement de la tarification incitative, qui prévoit que les ménages payent les frais du ramassage non plus en fonction de la valeur de leur logement, mais du volume d’ordures produites. Cette fiscalité « a montré son efficacité dans la réduction des tonnages collectés et des coûts de gestion, en France comme à l’étranger ».

Pourquoi pas. Mais en attendant que la filière gagne un jour « en maturité », je vais continuer à trier et à limiter les contenants. Cela soulage ma conscience pour la planète. Mais quand je vois tous ces bateaux se diriger vers la Turquie, je me dis que l’économie circulaire n’en a que le nom.

Michel Choupauvert