« La très grande table » à l’Abbaye
Un titre qui donne la mesure : la table est vraiment longue, les hôtes imposants. Ici, le soir de Noël 2023, dans le réfectoire de l’abbaye de Fontevraud, Richard Cœur de Lion dîne avec sa mère Aliénor d’Aquitaine. On se retrouve en famille. Vingt mètres séparent les convives et pourtant l’ensemble des mets disposés vont, malgré maintes querelles, les rapprocher.
Marjolaine Caron joue le rôle d’Aliénor, reine de France puis d’Angleterre et mère de deux rois. Aliénor, le pouvoir au féminin, conseille, protège mais privilégie son fils Richard avec qui elle partage cette tablée de Noël. Louis Bachelot joue le rôle du fils aimé Richard 1er, roi d’Angleterre, qui adopte et cultive les valeurs chevaleresques : courage, hardiesse, honneur, largesse. Les deux protagonistes, mère et fils, ont ici le même âge, ils sont aussi mari et femme, sœur et frère, cousin cousine.
Les plats se substituent aux mots, aux émotions : « Arrogance, Cauchemar, Psychorigidité, Désir, Ironie, Bienveillance, Perversion, Vengeance, Jalousie, Partage… moments de mésentente ou de complicité entre la Reine et le Roi d’Angleterre. Sur la table plate défilent les vides et les pleins, encéphalogramme régulier qui bat au rythme de 50 et 100 plats par minutes. Les tonalités trahissent les impressions, le rouge pièces de viande au cœur de la table, plus loin des poissons dorés jaunâtres, des légumes roses, des gâteaux verts, de la choucroute multiformes, du fromage coulant sur la nappe en céramique, des fruits noirs, mats et brillants. Les plats nommés, artefacts légèrement en lévitation, ont parfois des formes indéfinissables. Ils sont entiers, en devenir, entamés comme une discussion.
« Les tables au musée », au Musée d’Art Moderne
En écho au banquet pantagruélique dressé sur La Très Grande Table et au cours duquel se dévoileront tant de rapports familiaux, Marjolaine Caron et Louis Bachelot ont choisi d’installer au musée un éparpillement de petites tables sur lesquelles seront posées des céramiques, grandes structures de terre cuite en haut relief décorées d’animaux, de fruits et de végétaux aux glaçures variées, réalisées pour l’occasion et placées pour révéler des affinités sensibles avec les objets de la collection. Un nouveau principe de dialogue doit ainsi se nouer dans un parcours déjà fondé sur des confrontations entre les œuvres, pour composer des concordances inédites et, de plus, créer un lien avec l’abbaye.
La diversité de la collection rassemblée par Martine et Léon Cligman et la muséographie fondée sur l’accrochage raisonné d’œuvres de provenances et d’époques différentes ne pouvaient qu’attirer l’attention de Marjolaine Caron & Louis Bachelot. Le musée fournit un terrain propice à ces artistes qui invitent à leurs tables les peintres et les sculpteurs qui les ont précédés pour converser avec leurs œuvres, participer à leurs jeux visuels et demander au visiteur de se livrer à une observation active et joyeuse.
A propos de Marlolaine Caron et Louis Bachelot
Depuis plus de vingt ans, le duo d’artistes Bachelot-Caron oeuvre à quatre mains. Avant de se lancer avec succès dans la céramique, Marjolaine Caron et Louis Bachelot réalisaient des reproductions photographiques de scènes criminelles ou juridiques, notamment pour la presse.
En 2019, le couple glisse dans la matière et le volume, et expose leurs « Céramiques Gourmandes » au Grand Palais Éphémère à Paris, à Limoges, à Genève, et réalisent deux décors pour le restaurant de la cheffe étoilée Hélène Darroze à Londres. Au menu de ce festin en céramique colorée, des maxi-gâteaux, des pièces montées et des saladiers pleins.
Infos pratiques : Du 25 novembre au 4 mars, Abbaye Royale et Musée d’Art Moderne de Fontevraud – En savoir plus
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