Avec AFP
Dans un rapport paru à l’occasion de la journée internationale de la biodiversité, le WWF a voulu établir un état de santé de la vie dans les rivières en France métropolitaine en publiant un « indice rivières vivantes » fondé sur les données de programmes de surveillance. Il conclut à un déclin de 0,4% des populations de poissons et d’oiseaux observés depuis 20 ans, malgré les sommes colossales dépensées – estimées à 500 milliards d’euros pour la politique de l’eau. Par ailleurs, moins de la moitié des rivières est en bon état écologique: 43,1% en 2019, chiffre des agences de l’eau repris par l’ONG. « Il y a quelque chose qui cloche », observe Yann Laurans, directeur des programmes du WWF France, pointant l’écart entre l’effort financier et les maigres résultats obtenus. Et le léger déclin des populations en moyenne masque en réalité de fortes disparités. « Aujourd’hui dans la Seine, au pont de l’Alma, vous trouvez à peu près six fois plus d’espèces de poissons que dans les années 1960. Et c’est vrai pour la plupart des grands fleuves », précise Yann Laurans, saluant le progrès des systèmes d’assainissement et stations d’épuration.
« Effondrement » des petits cours d’eau
« Mais en même temps, on a un effondrement de la qualité des petits cours d’eau dans le milieu rural parce que depuis maintenant 70 ans, on a mené une politique d’intensification des pratiques agricoles et d’artificialisation », pointe-t-il. Les activités humaines ont multiplié les sources de dégradation : barrages, dragages et canalisations en tout genre, prélèvements excessifs, rejets de pesticides, d’engrais ou de polluants industriels… Deux espèces d’eau douce emblématiques illustrent l’ampleur du problème: le grèbe huppé – grand oiseau plongeur à la huppe noire – et la truite des rivières ont connu une chute de leur population de respectivement 91 et 44% en 20 ans. A l’inverse des espèces invasives connaissent un développement menaçant : poisson-chat, ragondin, écrevisse de Louisiane… Pour améliorer la situation, l’une des priorités du WWF est la préservation des zones humides en France. « On relance notre stratégie d’acquisition foncière » dans ces zones, « un outil vital de préservation des espaces », indique Jean Rousselot, responsable eau douce de l’ONG.
« En train de disparaître »
Le WWF est prêt à dépenser pour cela 5 millions d’euros en France métropolitaine, espérant pouvoir augmenter cette mise de départ en attirant des financements de l’Etat, de fondations, etc. Les terres seront ensuite préservées ou dédiées à une activité raisonnée. Une stratégie qui n’est pas totalement nouvelle: dans les années 1980, le WWF avait, par exemple, contribué à la création de la réserve naturelle de Chérine (Indre) dans la Brenne, « pays des mille étangs » dans le centre de la France dédié à la pisciculture depuis des siècles, où l’association possède des terrains. Elle y mène aussi désormais une politique de « paiements pour service écosystémique » consistant à rémunérer des pisciculteurs pour des pratiques vertueuses. Ils limitent, par exemple, l’élevage de carpes, espèce qui nuit au développement de la végétation, ou s’éloignent des pratiques d’élevage intensif comme le nourrissage artificiel. On peut observer dans la région la guifette moustac, oiseau aux allures de mouette, ou la cistude, une tortue d’eau douce dont les pattes sont recouvertes de petites taches jaunes. « C’est une espèce qui est en train de disparaître avec la disparition de son habitat, le réchauffement climatique et la prédation », exercée par les sangliers ou les renards, explique Albert Millot, directeur de la réserve naturelle de Chérine, cogérée par la Ligue de protection des oiseaux (LPO). « Il n’y a plus beaucoup de territoires où elle subsiste » dans le pays, insiste-t-il, soulignant l’importance des efforts déployés pour la préserver.
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