Depuis 1958, cinq dissolutions de l’Assemblée nationale ont eu lieu. Néanmoins, toutes ne se sont pas déroulées dans les mêmes conditions et n’ont pas eu les mêmes effets. En 1962, Charles de Gaulle lance la révision de la Constitution pour élire le président de la République au suffrage universel par la procédure du référendum de l’article 11. Cette réforme est contestée, tant sur le fond que sur la forme, dans les rangs mêmes de sa majorité. Dans la nuit du 4 au 5 octobre, une motion de censure est adoptée à la majorité absolue par les députés et renverse le gouvernement Pompidou. Le général de Gaulle réplique immédiatement par la dissolution de l’Assemblée. Les élections législatives des 18 et 25 novembre sont un succès pour lui : les gaullistes réunissent plus de 40% des voix au second tour. Celle de 1968, est également décidée par Charles de Gaulle, alors qu’il dispose déjà d’une majorité favorable au gouvernement. Dans le contexte de mai 1968, il s’agit moins de résoudre une crise institutionnelle que politique, en demandant aux citoyens de retourner aux urnes et de renouveler leur confiance dans le gouvernement et par là, dans la personne de Charles de Gaulle. On appelle cela une dissolution plébiscitaire
1986-1988 : Mitterrand et Chirac, la plus tumultueuse
« Pas de cogestion »: c’est la consigne du président François Mitterrand à ses collaborateurs quand l’échec de la gauche aux législatives le force à une cohabitation de deux ans. Il faut laisser le gouvernement de Jacques Chirac « déterminer et conduire la politique de la nation », conformément à l’article 20 de la Constitution. Matignon met vite en oeuvre son programme, fait voter au pas de charge privatisations, réforme électorale, réforme de l’audiovisuel… Le 14 juillet 1986, c’est la première crise ouverte, M. Mitterrand annonce qu’il ne signera pas les ordonnances proposées par le gouvernement pour la privatisation d’entreprises publiques. M. Chirac menace de démissionner, puis cède: les projets d’ordonnances se transformeront en projet de loi. Par la suite, en intervenant publiquement sur les sujets de son choix, telle la statue du commandeur, M. Mitterrand prive le gouvernement d’un soutien utile dans les moments délicats. Fin 1986, le gouvernement doit retirer son projet de réforme universitaire après la mort de l’étudiant Malik Oussekine, frappé par des policiers. Mitterrand ne se prive pas de se déclarer « en phase » avec les contestataires. A l’approche du scrutin présidentiel, la cohabitation se tend encore avec la crise des otages du Liban et l’assaut sanglant de la grotte d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie. L’animosité accumulée par Mitterrand et Chirac explose sous les yeux des Français au cours de leur duel télévisé d’avant second tour. En mai 1988, M. Mitterrand n’a plus qu’à recueillir les fruits de sa stratégie, il est réélu haut la main.
1993-1995 : Mitterrand et Balladur, la plus « courtoise »
Le scénario se répète au printemps 1993. Le Premier ministre RPR désigné par François Mitterrand est le théoricien de la cohabitation, Edouard Balladur, déjà ministre d’Etat en 1986-1988. Le chef du gouvernement dispose cette fois d’une majorité parlementaire écrasante. La cohabitation n’en est pas moins « courtoise », selon lui. Certains parleront de « cohabitation de velours ». Ce meilleur climat est dû aussi au fait que les protagonistes ne s’affronteront pas dans une campagne présidentielle. Il y a quand même des moments de vifs désaccords: sur la suspension des essais nucléaires décidée par le président, la réforme de la loi Falloux sur l’enseignement privé et le droit d’asile. La maladie du chef de l’Etat, dans les derniers mois de son second mandat, permet à Edouard Balladur d’élargir quelque peu ses prérogatives. Acceptant mal de voir le Premier ministre s’avancer trop sur le terrain de la diplomatie, François Mitterrand rappelle toutefois solennellement sa prééminence dans le domaine de la politique étrangère.
1997 – 2002 : Chirac et Jospin, la plus longue
Début juin 1997, le président Chirac est depuis deux ans au pouvoir. Mais, six semaines après avoir décidé de dissoudre l’Assemblée nationale en pariant à tort sur une victoire de la droite, il se voit contraint de partager le pouvoir avec les socialistes. Lionel Jospin arrive à Matignon. Le président opte pour « une cohabitation constructive » et n’empêche pas le Premier ministre de gouverner. Quand, le 14 juillet 1997, M. Chirac revendique quand même le droit d’avoir le dernier mot, le Premier ministre le lui conteste aussitôt. Que ce soit sur les 35 heures, la Corse, l’inversion du calendrier électoral, la vache folle, la justice et les affaires, de nombreux incidents, plus ou moins importants, émaillent ces cinq années de partage du pouvoir. Mais les deux hommes parviennent peu ou prou à sauvegarder les apparences sur la scène internationale pour ne pas affaiblir le poids de la France. La nécessité de parler d’une seule voix lors des diverses rencontres européennes ou des crises (frappes de l’Otan en ex-Yougoslavie, crise afghane) provoque parfois l’incompréhension dans leurs camps respectifs. Dès 1997, MM. Chirac et Jospin, qui s’étaient déjà affrontés lors de la présidentielle de 1995, savaient qu’ils seraient de nouveau en concurrence cinq ans plus tard. C’est M. Chirac qui sera reconduit à l’Elysée avec une majorité à l’Assemblée.
Avec AFP
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