Si d’aucuns ont les yeux qui brillent, bercés par la féerie de Noël et les illuminations un brin enfantines, les politologues, éditorialistes et amoureux de la politique vivent actuellement une période enchantée. Une situation politique exaltante autant qu’inquiétante souffle sur la France. De dissolution en destitution, nombre sont ceux qui ont ployé le genou ces derniers mois attendant se voir apposer l’épée sur les épaules et être adoubé et érigé au grade de Premier ministre. Un titre dangereux s’il en est sur le plan politique tant les têtes tombent en peu de temps. Après de longues semaines, cet été, durant lesquelles d’innombrables noms ont circulé dans la bouche des experts et autres spécialistes, c’est finalement Michel Barnier qui a été l’heureux élu avant d’être rapidement déchu à son tour. Après plus d’une semaine de tergiversations, Emmanuel Macron a nommé vendredi son allié François Bayrou Premier ministre. En quelques jours, nous avons revécu un condensé des derniers mois où les pions s’avançaient sur l’échiquier politique à coup de pressions, menaces de censure et compromis. Un suspens qui n’a pas berné la rédaction du Kiosque qui a senti, presque prophétiquement, la tournure que prendraient les événements dans son dernier édito (relire ici). « François Bayrou, depuis longtemps, a soigneusement préparé ses valises. Durablement, en effet, a-t-il pensé les poser dans un palais, celui de l’Elysée, ou, à défaut, dans un illustre hôtel, très particulier, de la rue de Varennes. Au nez et à la barbe de ses camarades également pressentis en ce lieu de villégiature éphémère, va-t-il donc finalement s’installer à Matignon dans les chaussons attiédis de Michel Barnier, en exil forcé de son mandat gouvernemental », écrivions-nous alors.
Un poste tant attendu
Le dirigeant centriste a finalement été préféré à d’autres noms qui ont circulé jusqu’au bout, comme celui de l’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, des ministres de l’aile droite de la macronie Sébastien Lecornu ou Catherine Vautrin. C’est une arrivée à Matignon aux allures de consécration particulière pour le lointain ministre de l’Éducation (1993-1997) depuis longtemps tourné vers la plus haute fonction: inlassable défenseur d’un centre indépendant, François Bayrou a été trois fois candidat à l’élection présidentielle de 2002 à 2012, sans jamais parvenir au second tour. Son alliance avec Emmanuel Macron en 2017 a dégagé la voie pour l’élection du plus jeune président de l’histoire. Nommé alors ministre de la Justice, il n’est resté en fonction que 34 jours en 2017, empêché par une affaire de détournement de fonds européens afin de payer des assistants parlementaires du MoDem, son parti. Le jugement en première instance, en février 2024, a lourdement condamné le Modem, mais M. Bayrou a été relaxé. Le parquet a fait appel. Depuis 2017, M. Bayrou, qui est maire de Pau, dans le sud-ouest, a régulièrement distillé des critiques contre la politique – trop à droite – et la pratique du pouvoir – trop personnelle – de son allié, sans jamais se départir de sa solidarité. François Bayrou devient ainsi le sixième locataire de Matignon, lieu de travail des Premiers ministres français, depuis la première élection d’Emmanuel Macron en 2017 – et le quatrième en 2024, une instabilité de l’exécutif que n’avait pas connue la France depuis des décennies. Quoi qu’il en soit, cette nomination se révèle comme un défi immense pour le centriste qui sera chargé de dénouer la crise majeure dans laquelle se débat la France depuis la dissolution de l’Assemblée en juin. A la tête d’un « gouvernement d’intérêt général » « resserré », voulu par Emmanuel Macron, il va être confronté à une tâche immense, avec pour priorité le budget 2025, alors que la France a une dette abyssale. Le nouveau Premier ministre devra aussi naviguer sur la scène politique éclatée issue des législatives anticipées organisées après la dissolution surprise de l’Assemblée par le président Macron en juin dernier. Le scrutin a débouché sur un hémicycle fracturé en trois blocs (alliance de gauche / macronistes et centristes / extrême droite), aucun ne disposant de la majorité absolue.
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Avec AFP
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