Elle a 18 ans en 1940 et sent instinctivement « qu’il faut agir ». « Ce n’était pas possible de ne rien faire avec ces grands étendards qui pendaient avec la croix gammée dessus, les affiches en allemand ou bien les affiches de Vichy » (ville où était installé le régime collaborationniste français), racontait-elle en 2023 à l’AFP. Résister, dire non à l’occupant, « je veux le faire ! », se dit-elle alors. Sans vraiment savoir comment elle, la jeune fille « de bonne famille », peut être utile pour défendre la patrie.
Agente de liaison et convoyeuse
A la fois hardie et inconsciente du danger, elle sera agente de liaison et convoyeuse, à travers la France, de prisonniers évadés ou d’aviateurs alliés, échappant à plusieurs reprises à l’arrestation. Cet engagement total, elle le met ensuite au service de Dieu en rejoignant en 1947 la communauté apostolique Saint-François-Xavier. Elle consacre 30 années de sa vie à l’enseignement en Afrique. Née le 6 janvier 1922 à Saumur, Odile de Vasselot de Régné grandit dans une famille noble et patriote. Fille et petite-fille de militaires, elle a déjà beaucoup entendu parler d’un certain Charles de Gaulle quand éclate la guerre. Son père l’a côtoyé en garnison à Metz (est de la France) et son grand-père maternel, le général de Cagnac, vante depuis des années le raisonnement du futur général sur les blindés. Depuis le donjon du château familial, dans l’ouest de la France, la jeune femme entend en direct sur un poste radio trafiqué l’Appel du 18-Juin, dans lequel le général de Gaulle réfugié à Londres appelle les Français à résister. Le père étant prisonnier en Allemagne, la mère emmène ses filles à Paris. Avec ses deux soeurs, Odile commence par lacérer des affiches allemandes. Le 11 novembre 1940, elle arbore un pompon tricolore aux couleurs du drapeau français pour rejoindre les étudiants sur l’avenue des Champs-Elysées en dépit du couvre-feu, l’un des tout premiers actes publics de résistance en France. Viennent, fin 1942, les choses « sérieuses ». Elle a fait savoir qu’elle était disponible. Une certaine Mme Poirier, du réseau Zéro, lui demande: « Etes-vous prête à partir à Toulouse vendredi par le train de nuit? » Elle est tétanisée mais accepte sans hésiter cette mission d’agent de liaison dans le sud du pays. « Danièle » – c’est son nom de code – effectue chaque semaine le trajet aller-retour, en transportant des paquets dont elle ignore le contenu. Le réseau est démantelé en avril 1943. Mais « Jeanne » (nouveau pseudonyme) intègre vite une autre organisation, le « réseau Comète », avec désormais pour mission de faire traverser la France à des aviateurs alliés tombés en Belgique et leur permettre de regagner la Grande-Bretagne via l’Espagne.
« Pas pressée » de retrouver Dieu
Le 4 janvier 1944, elle croit sa dernière heure arrivée. Elle convoie dans un train deux Anglais quand la Gestapo surgit dans le compartiment et arrête les aviateurs, qui l’ignorent pour ne pas la compromettre. « J’avais encore les annexes de leurs billets dans ma poche, je les ai mangées… » Face au danger, « Dieu était mon seul ami, mon confident ». Elle participe en août 1944 à la libération de Paris et échappe de peu à la mort lors d’une ultime mission d’agent de liaison. Après la guerre, titulaire d’une licence d’histoire à la Sorbonne, elle enseigne au sein de la Communauté Saint-François-Xavier à Paris puis, de 1959 à 1988, à Abidjan, où elle crée le collège-lycée Sainte-Marie. Revenue en France, cette dame au regard azur et à la voix claire se rend dans les écoles pour raconter inlassablement, avec cette mémoire si aiguisée, son combat. « J’ai été « passeur » dans les réseaux et je continue à être « passeur » », martelait celle qui, à plus d’un siècle, n’était « pas pressée » de « tomber dans les bras de Dieu« , encore pleinement absorbée par son ultime mission: « transmettre l’amour de la patrie, le refus de l’intolérable, l’empathie, le respect des cultures… »
Avec AFP
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