« Les habitants de la CC CVL (Communauté de Communes Chinon Vienne et Loire) ont appris par la presse que le Conseil communautaire avait favorablement délibéré le 7 décembre 2021, pour accueillir sur le site actuel du Centre Nucléaire de Production Electrique d’Avoine, deux réacteurs EPR2 (European Pressurized Reactor) dits de nouvelle génération. Une délibération qui serait venue répondre à la décision de l’Etat et du gouvernement de relancer le parc électronucléaire français. Cette délibération s’appuie sur le vote favorable des 19 conseils municipaux constitutifs de la CC CVL, tous favorables à cette orientation. Indépendamment du débat « pour ou contre le nucléaire », trois aspects relatifs à cette décision suscitent des interrogations :
1 – La quasi-unanimité des instances délibérantes sur le sujet, seul.e.s quelques conseiller.e.s s’étant çà et là abstenu.e.s ou opposé.e.s. En effet, cette marche en avant portée par une « nouvelle technologie » nous interroge, quand tout un chacun peut constater que cette technologie, dans sa configuration « première génération », n’a, soit pas encore vu le jour, soit a montré d’importantes problématiques de fonctionnement.
– L’EPR le plus célèbre en France, à Flamanville (Manche), s’il a démarré depuis quelques semaines, n’est toujours pas en phase de production : il en est à 12 ans de chantier (temps prévu multiplié par 3), le coût de sa construction, 12 milliards, est multiplié par 3.5 et il n’est à ce jour toujours pas connecté au réseau national.
– Un EPR similaire, construit par AREVA, vendu à la Finlande a aussi explosé les délais, sa construction a duré 16 ans. Il a été mis en service en mars 2022 et a fait depuis l’objet de nombreux arrêts.
– Le troisième vendu au Royaume Uni, pour le site de Hinkley Point, n’a pas encore vu poser sa première pierre ! Seuls deux ouvrages de ce type sont en fonctionnement en Chine, sur lesquels il est difficile d’avoir des informations quant à leur fonctionnement…
En résumé, vous vous êtes engagés sur un projet dont EDF ne maîtrise pas la construction, sujet à des dérives financières, nécessitant un chantier pharaonique tant par sa durée que par son ampleur, et qui pour l’instant n’a pas fait preuve de son bon fonctionnement. Alors oui, décider d’une relance de l’industrie nucléaire localement dans ces conditions, pose effectivement question : votre décision, fut-elle unanime, est-t-elle pertinente ? Est-ce bien responsable ?
2 – L’absence de débat public préalable sur un sujet de cette importance. Certes, nous ne le contestons pas, il est du rôle de la démocratie représentative (en l’occurrence nos représentants démocratiquement élus) d’avoir un projet de territoire, d’en fixer les objectifs, et de prendre les décisions permettant de les atteindre. Ce qui interroge, c’est que lors de l’élection des 19 conseils municipaux en 2020, à aucun moment dans les programmes respectifs, la relance du nucléaire sur notre territoire n’a été exposée. Le Conseil communautaire, en place avant 2020, une instance non élue au suffrage direct, mais qui émane des municipalités désignées par le scrutin, n’avait au cours de son mandat pas davantage initié ce débat. Bien sûr, et c’est tout à fait normal, un projet peut apparaitre en cours de mandat autour d’opportunités non connues au moment de l’élection, et sur lesquelles il peut être nécessaire de se prononcer. Dans ce genre de situation, à fortiori pour un projet de grande ampleur industrielle à fort impact environnemental, sanitaire, social, économique et sur la vie quotidienne, il nous semble démocratiquement indispensable de revenir en cours de mandat, vers les habitants. Ce retour vers la population, de manière à lui exposer le projet et ses enjeux, d’échanger, en débattre, et au final solliciter son avis, nous semble être le parfait exercice démocratique auxquels les élus devraient se livrer. Ceci, afin de rester dans le champ des responsabilités que la démocratie leur a confiées, et qui aurait aussi pour effet de mieux la préserver.
3 – L’absence totale de prise en compte de l’incapacité de refroidissement de ces futurs équipements par les eaux de la Loire, une situation existante, mesurée, connue, constatée. A de nombreuses reprises, des réacteurs en place au fil du fleuve ont déjà été confrontés à ce problème de débit insuffisant de la Loire. Ces situations ont contraint l’exploitant à réduire la production voire même à la suspendre. Compte tenu des effets du changement climatique qui vont s’accentuer, il nous semble particulièrement imprudent et même dangereux, de compter sur la Loire pour refroidir un site déjà à la limite de la rupture. Qu’en serait-il avec deux réacteurs supplémentaires ? (Cf Etude Agence de l’Eau Loire-Bretagne en cours). Beaucoup d’autres questions sont posées par la mise en œuvre d’un tel projet. Dans un premier temps, face à ces quelques interrogations qui nous semblent relever du bon sens, nous vous invitons à suspendre votre décision et à mettre en œuvre, au niveau du territoire concerné, un vaste débat démocratique. A partir de ce débat contradictoire, la population pourra construire sa connaissance du sujet et se forger un avis sur lequel vous pourrez alors instruire et prendre votre décision.
Compte tenu de l’impact d’un tel projet dans la durée et sur plusieurs générations, pendant la construction, durant les années de fonctionnement, puis au cours du démantèlement dont les conditions sont d’ailleurs inconnues, l’organisation d’un débat dépasse le cadre de nos seules institutions locales ; les territoires alentours sont aussi concernés. Compte tenu de la multiplication des instances locales susceptibles d’être parties prenantes, il semble souhaitable de confier cette mission à une instance indépendante, comme La Commission Nationale du Débat Public. L’objet de cette commission est précisément de gérer l’information, la communication, la discussion entre toutes les instances locales concernées et la population : institutions et collectivités publiques, mais aussi les différents acteurs sociaux (syndicats, secteur économique, milieu associatif dans sa diversité, etc…) de manière à ce que la démocratie directe puisse s’exercer, à côté et en complément de la démocratie représentative.
Cette lettre ouverte est adressée à vous, élu.e.s de proximité de notre territoire. Compte tenu des nombreuses délibérations prises par d’autres collectivités publiques que vous avez sollicitées pour soutenir votre démarche (communautés de communes voisines ou plus éloignées, agglomérations, Conseil départemental d’Indre et Loire, Conseil régional Centre Val de Loire, etc…) nous les appelons aussi à se saisir de cette procédure de consultation publique que nous encourageons de nos vœux. Nous pensons aussi au Parc Naturel Régional Loire Anjou Touraine et aux instances du Patrimoine Mondial de l’UNESCO qui sont susceptibles de s’interroger quant à l’émergence d’un tel projet en plein cœur de leur secteur d’intérêt. »
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