« Nous sommes dans un temps où aborder une discussion budgétaire semble bien décalé de l’actualité tragique. La guerre est là, obsédante. Elle frappe. Il nous appartient certes de prendre du recul. Notre responsabilité est tout autant de relier les éléments, de donner du sens, essayer de construire de la cohérence entre les différents niveaux d’intervention. Et de ce point de vue, les chiffres sont connectés à une réalité. C’est à nos yeux tout le sens du débat politique que nous devons avoir durant ces 2 jours.
Il n’y a pas si longtemps, notre session budgétaire s’ouvrait au lendemain d’attentats terribles sur notre sol, où de jeunes Français tuaient, sous l’influence de puissances étrangères, d’autres Français. La fragmentation de notre tissu social et la violence au quotidien continuent pourtant de s’accentuer dans nos quartiers.
Il n’y a pas si longtemps, notre session budgétaire s’ouvrait au lendemain du Brexit. In fine, la peur de l’autre et le repli national mettait fin à une période de construction collective sans précédent en Europe.
Il n’y a pas si longtemps encore, notre session budgétaire s’ouvrait dans le contexte COVID avec ses périodes d’isolement, dont nous ne prenions alors pas toute la mesure, à la fois économique bien évidemment, mais surtout sociale et psychologique.
Et puis voilà, à ce contexte lourd de violences physiques, de dislocations sociales, de repli, d’isolement et parfois d’effondrement psychologique, s’ajoute désormais la brutalité de la guerre, à nos portes. M. Poutine remet en cause les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine, la souveraineté d’un Etat, et donc attaque la démocratie. Une phase d’insécurité internationale s’ouvre à mesure que l’ordre international est bafoué, et l’économie, vous l’avez dit, est de nouveau impactée. Des conséquences humaines tragiques, des exodes, et l’envolée des prix, qui se fait déjà sentir.
Notre collectivité n’est pas le lieu du débat géopolitique, mais nous sommes tous ici des représentants élus par le suffrage universel et nous devons aussi, à notre niveau, en être l’expression. Notre collectivité, par ailleurs, est tout autant un rouage de la puissance publique, elle gère des services, un budget.
Manifestement, nous ne pouvons pas aborder ce budget avec la même lecture que celle du débat d’orientation budgétaire de janvier dernier.
En 15 jours, le monde a changé. Tout au long de nos débats nous voulons affirmer 3 idées simples :
1. La solidarité avec les Ukrainiens : Nous avons échangé ensemble Mme la présidente. Nos préoccupations rejoignent les vôtres et il nous faut ensemble faire bloc, à la fois pour soutenir ceux qui sont face à la guerre, et en prenant l’initiative ici de coordonner les acteurs locaux pour favoriser l’accueil.
2. Agir face à l’inflation des prix. Nous devons ensemble construire un budget prudent, non pas à partir des habitudes, mais prudent par rapport à des besoins qui risquent de s’amplifier. Nous devons construire un budget prudent pour assumer nos compétences et les responsabilités qui sont celles du Département. Nous vous demandons de dégager une enveloppe de 5M€ pour dépenses imprévues pour accompagner les classes moyennes et populaires qui sont impactées par la hausse de l’essence, du chauffage, de la farine, des pâtes, etc. Le Département ne peut pas répondre seul à l’ensemble de ces besoins, mais il doit prendre sa part. Nous continuons de proposer d’agir via les cantines, sans doute n’est-ce pas le seul levier. Sans doute faut-il aussi réfléchir comment agir auprès des publics en insertion pour qu’ils restent dans l’emploi ou d’autres leviers dont nous ne connaissons pas encore tous les les tenants et aboutissants. Nous en parlerons lors des délibérations. Et puis il y a les établissements qui sont sous notre tutelle : il n’est pas possible de poursuivre cette année encore cette politique du gel des tarifs « dépendance » depuis 2017 dans les EHPAD ou ceux pour les établissements de la protection de l’enfance. Voici une question qui va traverser l’ensemble de nos débats : Alors que le Département retrouve des marges de manœuvre, comment comptez-vous agir dans ce budget face aux conséquences – nouvelles- de l’inflation ? Quelle est votre réponse à cela ? Nous ne la voyons pas et voulons comprendre.
3. Agir ici pour le vivre ensemble : les tensions se sont aggravées avec le COVID. On a été frappé à la lecture du journal « Les échos » qui titrait dernièrement sur Angers et les villes moyennes comme nouvelles plaques tournantes des trafics de drogue. Nous avons des gamins qui vivent parmi ces violences urbaines où prolifèrent les précarités.
Nous proposons de mieux utiliser quelques leviers : la prévention, l’école via les collèges, mais aussi renforcer le fonctionnement des MDS. Nous ne voyons pas ces propositions reprises aujourd’hui. J’ai entendu quelques annonces de votre part Mme la Présidente. Aussi, face aux violences qui se développent au quotidien, quelles sont vos réponses pour y faire face ? il nous
faut être prudent.
Madame la Présidente, cher.e.s collègues, nous apprécions le climat constructif qui prévaut en ce début de mandature et les échanges dans les commissions. Nous voyons un certain nombre de propositions reprises et soulignerons ces avancées lors des délibérations. Mais sur le structurel, dans ce moment si particulier, nous ne comprenons pas si oui ou non il y a des désaccords sur ce qui est essentiel. Il y a des marges de manœuvres : qu’est-ce qui est prioritaire aujourd’hui et qu’est-ce qui est secondaire ? Pour nous, la priorité, c’est d’agir via nos compétences premières, c’est-à-dire les solidarités et les collèges. Et puis il y a l’urgence écologique. Le reste, c’est secondaire, pas superflu, mais secondaire.
Pour illustrer concrètement notre pensée : le schéma sur le tourisme est un bon schéma, la flamme olympique c’est sympathique. Mais comment accepter d’augmenter les crédits sur le secondaire si sur ce budget nous ne sommes pas capables d’abord d’agir sur le prioritaire, en prévenant mieux les violences auprès des gamins, en aidant mieux les Angevins impactés par les prix de l’énergie et de l’alimentaire ?
Ce débat, encore plus en ce moment, est extrêmement important, puisqu’en étant capable d’assumer nos accords, s’ils existent te il y en a, ou désaccords, il s’agit aussi de confirmer que la démocratie, le débat, ça a du sens, et qu’elle permet de démontrer qu’on peut à la fois penser différemment et construire ensemble. »
Copyright © IGNIS Communication Tous droits réservés