Edito du Kiosque : La pêche et les baleines

On peut l’avoir, y aller, la pratiquer. La pêche a ses raisons que la raison ignore. Les JO nous l’ont donnée, Michel Barnier s’y aventure, les Japonais la pratiquent frénétiquement mettant en péril la survie des baleines. La communauté internationale s’insurge mollement contre cette nation qui s’acharne contre le fondateur de l’ONG Sea Shepherd. Le militant écologiste Paul Watson est en prison et risque l’extradition.
Photo Stéphanie Klenner

Le pays va mal, les citoyens sont fatigués, désabusés et angoissés, alors, que faire ?  Organiser des Jeux olympiques, par exemple, pour redonner de l’envie, du plaisir et de la joie partagée. Excellente idée. C’est bon, c’est bon, bon pour le moral, prouvé par toutes les études des populations hôtes gagnées par un net regain d’enthousiasme et d’optimisme. Un pic de forme qui redonne à chacun des aspirations à vouloir courir, danser, écraser le poids de la charge des frustrations ayant alimenté l’attente et le désir. Nous y sommes donc dans nos pleines capacités à vivre l’intensité du moment attendu, l’exaltation de la flamme. Ainsi, nous avions la pêche pour la rentrée, avant de glisser dans le rang pour nous soumettre, à nouveau, aux disciplines du quotidien. La cueillette fut généreuse du fruit suspendu aux rayons du soleil précédant le déclin, les jours assoupis d’une saison qui se heurte brusquement au pas de l’automne. Septembre est ainsi, il pleut déjà dans nos mémoires, les raisins sont matures et les truites bientôt libres de frayer posément dans des rivières peu profondes. Le 15, à mi-mois, la période de pêche se termine pour protéger l’espèce pendant sa période de reproduction. Les jours sont donc comptés pour qui voudrait encore attraper un gros poisson de nature à satisfaire son existence. Et ce, dans les règles de l’art, hors des eaux troubles souvent favorables aux bonnes prises. En sa qualité d’ancien ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Michel Barnier semble inspiré par cette prescription tant il se pare de transparence pour ramener dans ses filets la blanchaille susceptible de composer sa recette gouvernementale. Il fait son marché, d’étal en étal, pour la mise en commerce de ses potentiels, prises éparses, présagées pour pacifier la criée dans l’Assemblée tumultueuse du Palais Bourbon. Tâche titanesque à laquelle il s’attaque avec l’enthousiasme de ses 20 ans, la patience et le flegme du pêcheur dont l’appât se berce et se perd dans des courants infertiles. A la table du prochain conseil des ministres seront majoritairement servis des convives de droite dont il ne peut raisonnablement s’affranchir pour constituer sa brigade. Il doit le faire. Il le fera. Elémentaire mon cher Watson !

Un vrai massacre

C’est le sens de son engagement, comme pour d’autres obligés dans des missions audacieuses et périlleuses. N’est-ce pas mon cher Watson !  Paul, en l’occurrence, et non point le bon docteur cher à Sherlock, militant écologiste fortement engagé pour la préservation des plus gros des poissons : les baleines. « L’éco-guerrier » est incarcéré à Nuuk, au Groenland, depuis le 21 juillet dernier, suite à un mandat d’arrêt émis par Interpol à la demande du Japon lui reprochant une intervention violente sur un baleinier, en 2010. La justice danoise doit statuer sur son sort : sa libération, son maintien en détention ou, pire encore, son extradition vers le Pays du Soleil Levant. Les preuves sont formelles, le capitaine fondateur de l’ONG Sea Shepherd n’était pas présent sur le navire concerné, mais les Japonais (derniers pratiquants avec la Norvège et l’Islande) ont ferré le prédateur qui les empêche de… pêcher en rond. Sous des prétextes fallacieux, scientifiques et culturels, il se sont émancipés de la commission baleinière internationale interdisant la pratique depuis 1986. « J’ai seulement changé de navire, et mon navire actuel, c’est Prison Nuuk a déclaré Watson, convaincu de son acquittement pour sitôt reprendre la mer et défier le dernier géant de l’industrie nipponne : le Kangei Maru. Une usine flottante de 10 000 tonnes inaugurée en grande pompe en mai dernier, dans le port de Shimonoseki. L’objectif de sa première expédition est de tuer 200 baleines en huit mois. Un vrai massacre dénoncé par la communauté scientifique et, bien entendu, l’ONG de Watson, en appel à la clémence du ministère danois pour éviter son transfert. A 73 ans, il encourt une peine de 15 années de prison, autant dire la vie éternelle au royaume du silence. C’est ce que souhaitent les exterminateurs des indispensables cétacés dont on n’entendra bientôt plus les sons, les douces impulsions au fond des océans. « La vaste mer me parle et je me sens sacré » disait Victor Hugo. Puisse un vent divin déferler sur le titan nippon.

Georges Chabrier

*AFP

 

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