En grand format, le livre de l‘Histoire s’est rouvert sur des cérémonies marquant la commémoration du débarquement, le 6 juin 1944. Plus que jamais, en effet, cette célébration du « D Day » aura frappé par l’ampleur des initiatives, la mobilisation de protagonistes absorbés dans la dignité conférée par le sacrifice universel des coalisés. Le dévouement et l’abandon total de milliers de soldats propulsés sur les côtes françaises pour libérer l’Europe de la tyrannie. Douze nations participèrent à l’opération « Overlord », croisade du monde libre contre le diktat meurtrier de l’envahisseur allemand. « On a fait le job » expliquent avec humilité les derniers vétérans, ultimes acteurs, narrateurs d’un legs dont il faudra assurer la permanence autrement et vite, pour peu que le diable sonne de nouveau à notre porte. « Ils ont fait leur devoir », expliquait Joe Biden. « Reste à savoir si nous allons le faire. Allons-nous le faire ensemble ? C’est oui », poursuivit-il dans son intervention au Cimetière américain de Colleville-sur-Mer. Allusion directe faite à la guerre frappant l’Ukraine, envahie par les troupes de Poutine. « Nous ne pouvons capituler, ce serait oublier ce que ces hommes ont fait sur ces plages, le sang versé, le prix de la liberté » ; insistait Biden, rappelant à qui voulait l’entendre que l’isolationnisme n’était pas la réponse il y a 80 ans, pas plus qu’aujourd’hui. L’union fit la force contre l’autocratie destructrice qui rendit les armes pour libérer l’Europe. Enfin, presque, puisque l’URSS, après avoir rompu son pacte avec Hitler et s’être affranchie de la honte en contribuant massivement à la victoire des alliés, annexa de force la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, des « républiques constituantes » auxquelles s’ajoutèrent, à pas de loups et perfidement, la RDA, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Tchécoslovaquie, pour former le bloc de l’Est, disloqué en 1991.
La paix plutôt que la barbarie
« La chute de l’URSS a été la plus grande catastrophe géo-politique du siècle » affirmait Poutine, masquant à grand peine son éternelle ambition de retrouver la grande Russie. La Tchétchénie, la Géorgie et la Crimée ont subi la guerre, aujourd’hui l’Ukraine et demain dépendra de la longueur de la chaîne que l’Occident, mis à mal, maîtrisera pour museler la liberté d’agir du nouveau conquérant. La paix est attendue, réclamée légitimement en opposition à la discorde, à la barbarie, mais l’expérience a tendance à préconiser la prudence et le réalisme face à l’aveuglement d’autocrates, de démagogues qui flattent les nationalismes, fomentent les guerres pour s’accaparer un pouvoir absolu. Plus que jamais, en ces années de turbulences, l’histoire militaire et l’histoire politique se fusionnent, sont en filigrane des élections d’une Europe en quête de maturité, de cohésion, d’avenir. Fédérale pour certains, des nations pour d’autres, elle se transformera au gré des scrutins, bousculée peut-être par le bruit de canons qui s’étaient tus. Sur notre continent, bon an mal an, la paix s’est installée, nous confinant dans une torpeur ankylosante ébranlée par les soubresauts d’actualités lointaines, de quelques hymnes à la mort émouvants et graves, feutrés dans les sourdines du passé. Depuis 80 ans, était la paix… et après ?
Georges Chabrier
Copyright © IGNIS Communication Tous droits réservés