L’édito du Kiosque. Gaza-Israël : voyage au bout de l’enfer

De toute part, les pressions s’exercent pour que cesse le désastre humanitaire sur le territoire de Gaza. Les Etats, les opinions publiques se révoltent, sans écho, sans influence sur des belligérants jusqu’au-boutistes. Le piège se referme sur un gouvernement israélien au bord de l’abîme, engagé dans une impasse morale et stratégique.
©AFP

La riposte d’Israël au lendemain du massacre du 7 octobre dernier était légitime. Tout le monde en convient. Les exactions perpétrées par le Hamas justifiaient à plein l’intervention militaire des troupes de Tsahal, en ordre de guerre pour frapper, anéantir et libérer les 252 personnes enlevées, otages innocents des terroristes. 131 (dont une trentaine déjà décédée) demeureraient toujours dans les geôles souterraines des islamistes retranchés dans un dédale de galeries insondables. Huit mois se sont écoulés révélant l’échec cinglant de la méthode déployée par le cabinet de guerre israélien, sous la férule autoritaire et radicale de Benyamin Netanyahou. Bien qu’affaiblis, les combattants du Hamas survivent, calfeutrés dans le labyrinthe inextricable et organisé des sous-sols gazaouis dont ils émergent pour harceler et combattre les « libérateurs » des prisonniers, monnaie d’échange d’odieux chantages. L’armée israélienne fait la guerre en surface, ses ennemis sous terre, les victimes innocentes cimentent les gravats, jonction sanglante de deux mondes hermétiques à la miséricorde. S’agissant des brigades « Izz al-Din al-Qassam », toute forme d’humanité semblait historiquement exclue, au contraire de l’Etat hébreu, seule véritable démocratie du Moyen Orient confrontée à une liberté d’expression et de critique totale. Or, aujourd’hui, l’opinion israélienne soutient toujours majoritairement une expédition punitive infructueuse, entachée « d’erreurs tragiques » reconnues et assumées par des états-majors blanchis aux promesses d’enquêtes et de sanctions promises aux auteurs d’égarements. Des enfants, des familles, des travailleurs humanitaires, des personnes déplacées, même des otages (israéliens) ont péri sous les bombardements et les tirs indiscriminés et disproportionnés des vengeurs. Les 36 000 victimes actuellement recensées ne compteront guère dans le décompte final des martyrs, des vrais vaincus d’une guerre dont les vainqueurs se condamnent à un exil impérissable.

« Bibi s’en fout »

Pour préserver la vie de ses soldats et entretenir l’illusion d’un destin personnel. Netanyahou a fait le choix de la force appliquée aveuglément pour détruire le pays, sa population, un Etat palestinien dont il n’a jamais souhaité l’existence, jamais encouragé la respiration sur le chemin de la vie, de la paix. Le grand frère américain, l’Egypte, la communauté internationale font pression pour qu’interviennent un cessez-le-feu, la fin d’hostilités barbares dont se réjouissent, sans trop de discrétion, les ultraorthodoxes, les communautés d’un soutien sans faille à leur « Bibi », celui qui enfonce son pays dans une impasse stratégique et morale. Mais, « Bibi » s’en fout. Pour attendrir l’humeur du gouvernement Biden, il a consenti à user de modération, à ne plus utiliser des bombes d’une tonne pour écraser chaque fourmi tapie sous la paille des sans-abris, des miséreux étendus sous un ciel de feu. Entretenue dans une émotion fondée et fervente, la population baisse pudiquement les yeux sur la réalité, les morts répertoriés, le très grand nombre des invisibles ensevelis sous les débris, les centaines de milliers de blessés, de mutilés, de malades, les vivants qui n’oublieront jamais. Le procureur de la Cour pénale internationale a lancé des mandats d’arrêts contre les dirigeants des belligérants poursuivis pour crimes de guerre et contre l’humanité. Elle a jugé équitables les sanctions contre les persécuteurs, soient-ils issus d’un mouvement de résistance tyrannique ou d’une démocratie confisquée, chloroformée par l’émotion. « Entre la justice et ma mère, je préfère ma mère », avait écrit Albert Camus. Le peuple israélien a choisi. Pour l’instant, espérons-le.

Georges Chabrier

 

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