Maison de fines bulles de Loire, la Maison Ackerman est aussi une grande destination oenotouristique grâce à ses impressionnantes caves troglodytiques aménagées dans d’anciennes carrières de tuffeau, qui offrent des conditions idéales pour l’élevage de ses vins et qui servent d’écrin à la Résidence Ackerman-Fontevraud. En effet, la Maison Ackerman, grand site patrimonial, est également un haut lieu de culture et d’expérimentation, Grand prix d’or des premiers Trophées de l’œnotourisme en 2019 dans la catégorie Art et culture. Issue de l’engagement de la Maison Ackerman pour la création contemporaine, la Résidence Ackerman-Fontevraud vise à soutenir l’émergence de nouvelles formes d’expression plastique grâce à l’accueil, chaque année, d’artistes invités à concevoir des œuvres in situ. En 2024, c’est le duo composé des designers nantais Nicolas Barreau et Jules Charbonnet qui a été sélectionné à la suite d’un appel à création demandant à revisiter le motif nostalgique du kiosque à musique dans un projet d’installation pouvant permettre l’organisation de performances. Titrée « Le coup de folie », l’œuvre créée est une rêverie, laquelle entremêle les inspirations, les échelles, les matières et les références. Elle a été positionnée au milieu des arbres centenaires du parc historique de la Maison Ackerman. Une hardiesse qui vise à célébrer les dix ans de la Résidence Ackerman-Fontevraud.
L’œuvre : « Le coup de Folie »
Structure à la fois fonctionnelle et poétique, « Le coup de folie » est une interprétation architecturale qui mêle des inspirations nostalgiques, celles des anciens kiosques à musique (avec ses plans facettés à la manière des kiosques du XVIIIe siècle), et un tohu-bohu onirique qui entremêle les échelles, les matières et les références entre art déco, chinoiseries et Bauhaus. Concrètement, il s’agit d’une gloriette qui, à la façon d’un ermitage, peut servir d’abri avec sa pergola protégeant des rayons et des éléments, créant une bulle fédératrice le temps d’une poésie, d’une musette ou d’une dégustation. La plastique copie un certain nombre de registres liés au vin : des milliers de bouteilles teinte feuille morte, flanquées dans des chevalets en bois, forment ainsi de scintillants retables tandis que 4230 tuiles de verre, soit2 115 bouteilles de 75 cl fendues en deux dans le sens de la longueur et fixées à la charpente, assurent la couverture de l’ouvrage : le cœur au soleil, elles font ruisseler l’eau de pluie de goulot en goulot tout en laissant filtrer le soleil. Elles forment une peau, donnant à l’édifice une matérialité organique, ou même animale : on pourrait dire reptilienne. L’installation sera éphémère. Conçu comme tel, le dispositif aux airs de pagode n’a pas de caractère pérenne. Son exposition est programmée sur une durée de cinq saisons. Elle est à visée expérientielle, pouvant servir à une performance, un concert, une dégustation. Érigée en extérieur, elle est aussi un symbole, permettant de célébrer (au sens premier comme au figuré) les dix ans de la Résidence Ackerman-Fontevraud.
A l’origine, le kiosque historique de la Maison Ackerman-Laurance
Louis-Ferdinand Ackerman, qui succède à son père Jean-Baptiste à la fin des années 1860, entend porter toujours plus haut les couleurs de la maison familiale, laquelle, s’inscrivant au cœur des mutations du commerce mondial, est présente sur les plus belles tables de l’Europe et des Amériques. La Maison Ackerman-Laurance, comme la maison saumuroise est alors nommée, est ainsi au rendez-vous des grandes expos de la Belle Époque. En 1895, un pavillon est installé sur la place des Quinconces, devant le jardin spécialement créé pour la XIIIe Exposition industrielle de Bordeaux. La photographie, la toute première dévoilant l’activisme commercial de la maison, donne ainsi à voir un édifice de plan octogonal, en charpente bois et surmonté d’une gigantesque bouteille factice et d’autres plus petites situées aux angles du toit. C’est un succès : deux millions de visiteurs y dégustent les célèbres Brut-Royal et Dry-Royal de la maison saumuroise. De nombreuses personnalités défilent sur cette scène vivante de bois et de verre, dont le président de la République Félix Faure ou la comédienne Sarah Bernhardt. Dans la mémoire de la maison saumuroise, le kiosque bordelais est un motif fondateur, symbole d’un univers dans lequel ses vins sont des vecteurs de découverte, de rencontre et de convivialité.
A propos de Nicolas Barreau et Jules Charbonnet
Nés à Nantes en 1986, ils se rencontrent à l’École de design de Nantes Atlantique. Après des expériences en agences d’architecture, ils créent l’atelier Barreau & Charbonnet en 2011 pour composer des scénographies, des mobiliers et des dispositifs plastiques interrogeant nos (modernes) façons d’habiter, de se déplacer ou de s’exprimer. Les duettistes, qui s’identifient comme des « bricoleurs », aiment à interpréter/détourner les références, historiques, artistiques, culturelles, fonctionnelles, en les associant, les exagérant, les dépouillant à la manière surréaliste. Ces dérives intuitives formulent ainsi des décalages hasardeux, spontanés, impertinents qui se traduisent plastiquement par la réalisation de formes hors normes, permis par l’accumulation de matériaux, les correspondances chromatiques et les contrastes entre les espaces intérieurs et extérieurs. Attachés à l’importance de l’activation du projet par le public, ils conçoivent leurs constructions comme des sculptures d’usages qui offrent lectures contemplatives et appropriations intimes avec le site. Ainsi le cas concret de l’installation fabriquée à l’occasion de la Résidence Ackerman-Fontevraud qui se veut un « décorum » à « investir » que ce soit pour « une dégustation » ou « un moment festif en plein air ».
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