Que l’on se promène en ville, à Saumur, New York, San Pedro ou ailleurs, depuis quelques années l’on peut assister au résigné tableau suivant :
Passent devant des boutiques annonçant leur fermeture prochaine, et autres magasins fermés depuis peu, des passants sur le coup chagrinés en surface, zieutant un peu gênés quand même, ces commerces et autres échoppes bientôt tous clos. Leurs dos sont alors un peu courbés, comme sous le mal de ce partir injuste, pour toujours, en cet adieu qu’on aurait voulu seulement un au revoir, pas plus… mais on n’a rien fait contre… au contraire…
Ainsi monsieur et madame Fichu ( bien évidemment, le lecteur alerte aura transposé en Smith pour New York, Rodrigo pour San Pedro, et X pour ailleurs !), affectés, se confient en aparté :
– Si c’est pas malheureux que ça ferme ! C’était vraiment bien ! De la bonne qualité ! pour madame.
– C’est sûr ! pour monsieur.
– Quand j’pense qu’on y allait avec la grand-mère quand j’étais gamine !
– Et moi pareil, c’était l’bon temps…
De même monsieur Perdu les croisant sur le même trottoir de plus en plus mal entretenu, ne se fait-il point en lui même : « Tiens, y ferment, les cons ! » Alors qu’avant il y allait aussi… Mais il file son chemin, sans plus.
Vient alors à passer madame Foutu, et sa jeune fille, apprentie influenceuse tokée, bardée d’écouteurs, de fils, de déconneurs portables…
– Tiens… c’est fermé… fait seulement la mère, car sa fille la presse pour aller vite chercher leurs colis de fringues chopés sur l’interpasnet avant d’aller au drive du supermarché.
La gamine, occupée à jouer des pouces sur son cerveau principal n’a même pas vu les panneaux annonçant les fins irrémédiables.
Ça y est, monsieur et madame Fichu, monsieur Perdu, et les deux Foutu, sont passés, comme ceux d’avant, et les suivants à venir, chacun pressé de rentrer chez soi pour surfer immodérément, commander des trucs et des machins sur l’interpasnet, vendre des bidules, poster des photos, répondre à des mails inutiles, s’user les yeux sur des écrans en somme, se faire escroquer aussi. À ce rythme, un jour, ne restera plus du vivant monde d’avant que des claviers, des écrans, des fils, des logiciels… et l’intelligence des Hommes sera devenue artificielle ! Pour ma part, ce matin j’ai croisé ma sympathique voisine et elle est venue en gaieté boire un café chez moi (parfois c’est l’inverse). Nous avons papoté, mais surtout raconté des blagues, autres rigolades, marrades, déconnades, en nous tapant sur les cuisses ; cette joie de vivre en dégustant d’excellents gâteaux secs achetés au marché à un véritable artisan – commerçant local. De fil en aiguille nous avons passé un super bon moment, et nous en aurons d’autres : « Allez, en la prenant par le bon bout, la vie vaut d’être vécue ! »
Les autres billets de Pierre Creet :
– Tribune. Le billet de mauvaise humeur de Pierre Creet : Le Recueillement – Lire ici
– Billet d’humeur de Pierre Creet pour Le Kiosque, janvier 2023 : L’acceptation – Lire ici
– Un nouveau billet de (mauvaise) humeur de l’auteur Pierre Creet qui nous informe… – Lire ici
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