« Moi j’ai des copains qui sont des rupins et qui roulent en bagnole. Ils sont écolos, ont des batteries bio et font tralala dans leurs belles Tesla … » Cette adaptation un peu libre d’un air lointain aux origines imprécises (dans mon tacot) évoque en temps moderne le plaisir de conduire, la liberté de baguenauder sur la N7, en bonne conscience, sans bruit, sans CO2. Oui, mais gare ! Ce conte de fée est en lisière d’un épilogue fâcheux imposé par le dérapage incontrôlé des aléas de la ballade annoncée. Avec le temps va tout s’en va, même les illusions d’un progrès nécessaire et constant. C’est la réalité d’aujourd’hui pour les voitures électriques qui entrent dans l’adolescence, dans une phase de maturation incertaine et parfois douloureuse. Passé 15 ans, en effet, elles sont sujettes à des carences énergétiques justifiant un apport vitaminé de cobalt ou lithium, autrement dit d’une nouvelle batterie, neuve et non recyclée, voire de logiciels dont l’obsolescence reste programmée. Et l’addition est corsée, pour le portefeuille et l’environnement. Certes, pendant un temps l’empreinte carbone (- 70%) entre dans le champ de nos considérations écologiques, mais il faut remplacer et s’en retourner quérir, au loin, toutes ces matières premières concentrées dans des contrées peu préoccupées par la question climatique et le respect des droits fondamentaux de l’homme.
Encore du jetable !
Le marché du recyclage n’étant toujours pas considéré comme suffisamment rentable, on ne recycle pas, pas plus qu’on ne répare pour équilibrer la balance entre bénéfice et préjudice. En attendant donc, on stocke, on empile comme dans les casses autos où se superposeront bientôt les superbes carcasses de cette modernité non maîtrisée. Et là encore, on reparlera, entre autres, des Tesla de M. Elon Musk, l’avant-gardiste inventeur du « giga-casting ». Un concept consistant à utiliser des « giga » presses pour créer et mouler à haute pression plusieurs pièces d’assemblage du châssis. Un gain de poids et de productivité très profitable au constructeur et, bien au contraire, dommageable pour le consommateur confronté aux vicissitudes de la mécanique ou à un choc. Pas ou peu question de réparer, on jettera dans les bacs de l’aberration le compost industriel qui encombre et pollue nos paysages, nos terres. “Les deux électricités opposées de la comédie et de la tragédie se rencontrent, et l’étincelle qui en jaillit, c’est le drame,” écrivait Victor Hugo. Le tout électrique est un genre contemporain, un vaudeville malicieux bien éloigné de la légende du siècle chère à l’auteur des Misérables.
Georges Chabrier
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