Vladimir Vladimirovitch Poutine est un idéal. Non pas de noblesse, de bienveillance, de tolérance, d’humanité ou d’altruisme, mais à coup sûr de victimisation. Un modèle, du genre à pavoiser ostensiblement au sommet d’un grand mât floqué aux armes de l’outrance. Sa petite fédération de Russie est assiégée de toute part, gangrénée et environnée d’avides et cupides nazillons agités par de funestes desseins. Alors, l’ancien agent du KGB sort les griffes, décoche flèches empoisonnées et obus meurtriers dans des saccades criminelles justifiées par une aspiration messianique. Anna Politkovskaïa, journaliste, Boris Nemtsov et Alexeï Navalny, opposants, ont rougi le flot de ses torrents de haine, de ses déferlantes sanglantes répandues en terres prétendues inamicales, en Syrie, Géorgie, Tchétchénie, Crimée, aujourd’hui en Ukraine. Demain, ailleurs, peut-être. La violence s’installe, s’épanouit (climat, terrorisme), la guerre est de retour après une longue parenthèse d’anesthésie générale de nos démocraties soumises au confort ouaté d’un bonheur exigé. Et nous y avons pris goût à ces apogées de délectations conquises sous l’aile protectrice d’un Etat paternel, secourable, complaisant, lui aussi bercé par l’insouciance et l’apathie. Voire par la résignation à se soumettre à l’injonction du détail contre le sens commun, le sens profond de l’essentiel.
Se réarmer
Aujourd’hui, le règne de l’émotion a succédé à la prédominance de la raison et la victimisation est devenue l’arme fatale de la reconnaissance, de sa propre existence dans l’univers de ses semblables. Des gens souffrent de particularités, physiques, sociales, ethniques ou religieuses qui ne sont en rien constitutives de minorités, mais expressément et fallacieusement stigmatisées par de vils stratèges démagogues. Créer la compassion pour bénéficier d’un rang particulier est un exercice communément répandu qui fragmente la solidarité dont nos sociétés se départissent, dont elles devraient, bien au contraire, se cimenter pour aborder les aléas d’un monde instable, saturé d’animosité et de rancœur. Les temps changent, la France dans son ensemble européen devra se réarmer de réalisme et de ressources pour prolonger un idéal qui s’effiloche, dont on risque de s’éloigner pour longtemps. Sommes-nous prêts à l’accepter et à réagir avec l’altruisme et la loyauté requis pour s’extraire des dérives individualistes dans un présent où, plus que jamais, la raison du plus fort semble s’établir comme une règle intangible.
Georges Chabrier
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