Il ne semble pas que la famille de Paul Bodin ait un rapport avec celle de Jean-François Bodin. Paul-Joseph Bodin naît à Saumur le 20 septembre 1847. Il est le fils de l’architecte très controversé Camille Bodin-Legendre. Ce dernier, disciple d’Eugène Viollet-Le-Duc, était partisan de la « restauration » radicale des monuments historiques, prônant une démolition pure et simple suivie d’une reconstruction.
A 23 ans, Paul Bodin s’engage et devient bientôt capitaine lors de la désastreuse guerre de 1870. Démobilisé, il est surpris par la Commune et doit la vie sauve à son professeur de résistance des matériaux qui le fait fuir en locomotive. Il sort de l’Ecole Centrale de Paris en 1871. Celle-ci a été créée 40 ans plus tôt pour former des ingénieurs généralistes destinés à œuvrer dans l’industrie en plein essor. Paul Bodin se spécialise alors dans la construction de ponts à charpente métallique. Il entre à la Société de construction des Batignolles, aujourd’hui Spie Batignolles. Il garde des liens avec Centrale : il y est répétiteur puis professeur. On lui propose même d’en prendre la direction en 1911. Il refuse le poste mais enseignera jusqu’en 1919. Sa carrière est jonchée de fonctions et de titres prestigieux. Il entre au conseil d’administration de la Société de construction des Batignolles. Il reçoit la médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris de 1889 pour la réalisation du viaduc du Viaur, et le prix Montyon en 1903 pour sa conception des « arcs équilibrés ». On doit à Paul Bodin des ouvrages d’une audace qui sidère encore de nos jours :
– le Pont de la Trinité (1897) en Russie, à Saint-Pétersbourg qui enjambe la Neva. Il a la particularité d’être un pont-levant, ayant une travée de 80 m mobile à deux volées, pour le passage des navires. Il a cinq travées fixes en arcs, appuyées sur des culées et des piles de maçonnerie.
– le viaduc du Viaur (commencé en 1895 et terminé en 1902), un ouvrage d’art ferroviaire qui franchit la vallée du Viaur entre Rodez et Albi. Bodin a eu l’idée géniale de réaliser des « arcs équilibrés à trois articulations » qui permettent d’obtenir des constructions très légères qui obéissent librement aux variations de température et qui permettent de réaliser une prouesse technique pour l’époque.
– le viaduc de Faux-Nanti (1907) en Chine qui enjambe une gorge profonde de 102 m au-dessus d’une rivière. La construction de ce pont a été exceptionnellement difficile et coûteuse, nécessitant le développement de méthodes de construction novatrices permettant de faire face aux contraintes physiques très difficiles du site. Depuis 2006, il est classé monument historique en Chine.
– le viaduc ferroviaire d’Asopos (1908) sur la ligne du Pirée à Salonique en Grèce, ce dernier a été détruit en juin 1943 par un commando britannique lors de la Seconde Guerre mondiale.
On sait peu de choses sur la vie familiale de Paul Bodin. Il s’éteint à Paris le 16 février 1926 et est enterré ainsi que son épouse et son fils aîné dans le caveau familial du cimetière des Planques à Albi. Son fils Georges, établi au Brésil, parvient lors d’un séjour en France à faire ériger un buste de son père grâce au soutien des anciens élèves de l’école Centrale. A Albi, un boulevard du centre-ville porte son nom. En 1932, dans le 17ème arrondissement de Paris, la ville donne à la rue où se trouvaient les ateliers de la Société de construction des Batignolles, le nom de Paul Bodin,
Bibliographie :
– ASSIE Max, Il était une fois Paul Bodin. Biographie de Paul Bodin, constructeur du viaduc du Viaur, Éditions Bleu pastel, Albi, 2016
– PICON Antoine, L’art de l’ingénieur constructeur, entrepreneur, inventeur, Editions du Centre Georges Pompidou, Paris, 1997
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