Entre le froid de l’hiver et le chaud de l’été, le printemps est inexorable. Il est un temps de renouveau, d’aspirations individuelles, collectives, dont les expressions bourgeonnent au gré d’humeurs vagabondes portées par de soudaines exigences de liberté. Tantôt pour rêvasser et papillonner dans l’air léger d’une reviviscence bienfaisante, tantôt pour s’extraire de chrysalides et s’affranchir de l’étau de servitudes liberticides. Les printemps des peuples (1848), de Prague (1968) ou arabes (2010), furent autant d’efflorescences révolutionnaires décimées par le souffle cruel de la répression. Quant aux printemps sociaux exprimés sur le pavé brûlant des manifestations, ils fleurissent régulièrement dans la sagesse plus ou moins contestée de revendications populaires fertilisées par la surdité des grands seigneurs de l’Etat. Qu’en sera-t-il du présent, alangui sous le couvercle bancal d’une marmite en ébullition sur le feu nourri du mal-être de nos sociétés. Si, pour l’heure, nos paysans ont remisé leurs tracteurs, ils ne demeurent pas moins en vigilance orange pour peu que quelques digues érigées à la hâte ne cèdent sous le poids de l’oubli, de l’approximation de promesses adoucissantes non tenues. Les frictions sont nombreuses mais ne se fédèrent pas dans un projet commun à quelques mois d’un rendez-vous olympique plutôt propice aux négociations bilatérales, sonnantes et trébuchantes. La France et Paris ne peuvent, en effet, s’octroyer le luxe de désordres incontrôlés en mondovision, ce qui laisse augurer d’une flânerie sereine vers un été exposé toutefois à tous les dangers. Les usines à trolls de Vladimir Poutine ont engagé le fer pour déstabiliser notre pays dans la pratique d’une guerre informationnelle d’envergure et de cyberattaques dont l’acmé pourrait fort bien être atteint à l’occasion des JO. Les athlètes de la fédération de Russie ne défileront même pas en Seine, sous la bannière neutre de la dictature installée et confortée par l’élection perfide de l’héritier de Staline.
Une cravate, puis l’ambassadeur
En attendant, pour nous tous, c’est le début du printemps, des douceurs exquises, des promenades bucoliques dans la nature trémulante, d’une escapade en moto, voire en quadricycle motorisé, flanqués d’un flambant neuf contrôle technique. Et oui, la sentence est tombée et, faut-il le craindre, nos chers vélos sont à coup sûr dans le collimateur des chasseurs de vignettes pour renflouer les finances publiques. Et elles en ont bien besoin, même dans notre agglomération pénalisée par nos négligences, nos défaillances à bien accomplir l’acte citoyen du tri sélectif. Nos bacs seront désormais sous surveillance et gare à vous si vous compactez vos pots de yaourt pour les insérer dans une boîte de conserve ! L’amalgame est indigeste et non conforme, votre poubelle sera donc parée d’une « cravate », vous signifiant « erreur de tri ». Et, si vous persévérez dans vos errances, un rappel à l’ordre vous sera notifié par un « ambassadeur de tri » chargé de vous instruire dans une rhétorique de bon aloi. Mais, c’est le printemps, « ne fais pas la tête, tu serais bien bête de te faire du mouron, quand sur toute la terre flotte un petit air de révolution » sifflait joyeusement, la môme Piaf.
Georges Chabrier
Copyright © IGNIS Communication Tous droits réservés