A l’unisson, du plus profond de son cœur ou du bout des lèvres, la France a honoré la mémoire du « dernier géant du XXe siècle », Robert Badinter, disparu le 9 février dernier. Un hommage unanime, exprimé dans l’émotion non feinte d’une cérémonie à laquelle assistaient pourtant nombre de ceux que ses combats avaient irrités, voire révoltés. Comme lui, auparavant, Voltaire, Hugo, Zola, Jaurès, Simone Weil ou Joséphine Baker avaient porté le fer contre la bien-pensance, gorgés de convictions irréductibles. Robert Badinter était des leurs, un proche bientôt convié sous l’aura de ces lumières éternelles, dans le temple laïc de notre République, le Panthéon. « Les grands hommes sont des météores conçus pour brûler afin que la terre puisse être éclairée »*, leur empreinte sur le livre du temps est souvent proportionnelle à l’émotion qu’ils génèrent, fréquemment au nombre de leurs détracteurs. C’est ainsi. La reconnaissance de leur engagement, leur raison d’être se célèbrent a posteriori de leur existence, dans la magie noire de desseins aveugles et égoïstes. Humble, pertinent et sagace, Robert Badinter savait plus que tout autre que son combat contre l’oubli et la haine, contre la peine de mort, lui valait des inimitiés indéfectibles lui interdisant toutes ambitions politiques issues du suffrage universel. Ainsi fut-il ministre, garde des Sceaux, Président du Conseil constitutionnel, mais jamais élu d’une nation trop hostile à son ambition de voir supprimée la violence légitime de l’Etat, la peine capitale.
Le déclic
Même s’il avait, comme il aimait le répéter, perdu son enfance dès mai 1940 (il avait 12 ans), l’enfant s’était toujours forgé aux récits tragiques de sa bien-aimée grand-mère Idiss, réfugiée pour survivre aux massacres et exactions antisémites alors perpétrées en Europe centrale. Contenir la haine et l’injustice orientait indéfiniment la trajectoire de cet humaniste constant et déterminé dans sa carrière précoce d’avocat. Et c’est à la faveur d’un retentissant procès qu’il se confronta à ce qui allait devenir le combat de sa vie. Jamais auparavant avait-il connu la charge de défendre un prévenu encourant la décapitation. L’affaire Buffet-Bontems, prise d’otages tragique dans la prison de Clairvaux, ponctuée par l’assassinat d’une infirmière et d’un gardien, fut un déclic douloureux, inapaisable. Buffet avait tué, il le reconnut, Bontems, son client, s’avéra simple complice. Georges Pompidou refusa sa grâce, tous deux furent guillotinés dans la cour de la prison de la Santé, le 28 novembre 1972. Un cuisant échec pour Robert Badinter qui n’eut de cesse, dès lors, de mettre un terme à cette « violence légitime de l’Etat ». Encouragé et soutenu par son ami le Président François Mitterrand et après dix années de lutte acharnée, Robert Badinter obtient enfin l’abolition de la peine de mort. Le 9 octobre 1981, la France entrait dans le cercle élargi des pays ayant déjà abrogé la sentence ultime. « Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. » s’était exprimé Badinter dans son discours introductif, face aux députés de l’Assemblée nationale. Marqué par la barbarie dès son enfance, l’homme de paix avait abouti pour préserver les autres de l’inhumanité institutionnelle.
Georges Chabrier
*Emprunté à Napoléon Bonaparte
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Commentaires 9
Le fameux discours « Couper un homme vivant en deux » a été prononcé le 17 septembre 1981, le jour de mes 33 ans. J’en suis très fier car Robert Badinter était une personne remarquable, comme on en compte très peu par génération. Il était l’homme qui a arraché un peu de la barbarie de notre société.
Il ne faudra jamais oublier cet homme.
Bonjour monsieur CHABRIER. Et encore merci pour vos mots. Joli hommage à ce grand homme. Aujourd’hui il y a un grand vide…quand je pense au soutien et la volonté de faire émerger Edouard Philippe l homme qui a débattus 4 mois pour une histoire de 80km/h….
Quel bel hommage, mérité ! Merci Monsieur Chabrier pour votre message
oui mais !!! parce qu’il y a toujours un mais : comment laisser vivre des monstres en prison alors que leurs victimes elles ne font plus parti des vies de leurs familles et souvent on parle plus des auteurs de crimes que les victimes( leur mémoire est vite oubliée) , une honte dans notre société de banaliser le crime gratuit et tous les actes de violences non punis car la justice est laxiste !!!
en plus de l’affaire Morhange qu’il a défendu (en demandant depuis, que jamais un journaliste ne parle de cette période pour lui) …elle même liée par un groupe pharmaceutique « Givaudan », du groupe mondial « Hofmann-Laroche », dirigeait par Alfred HARTMANN des services secret Suisse ,banquier et homme d’affaire, lié au Rothschild Eli et Evelyn …Donc à Big Pharma. On nous prend et on nous laisse pour des c…
Personne n’a jamais banalisé le crime! Peut-être que les familles de victimes aimeraient la mort de l’infâme mais cela ne leur rendra jamais la personne disparue. Les assassins, une fois morts, ils sont libérés de tout tandis que s’ils purgent leur peine en prison et privés de liberté, cela doit être une torture de tous les jours. Par contre, il faudrait que l’enfermement soit à perpétuité.
en attendant les prisons sont tellement pleines de délinquant de tous niveaux que les peines sont rarement appliquées à la hauteur des faits donc je maintiens en disant que la justice et les moyens ne sont pas à la hauteur du fléau dans notre société actuelle !!!
Merci beaucoup pour ses mots Monsieur Chabrier.
Robert Badinter restera à tout jamais un homme d’exception.
Merci à vous M. Chabrier. Il est toujours important de rappeler et d’honorer les Hommes d’Etats qui oeuvrent pour les générations futures.