Avec AFP
La proposition de LFI a été adoptée mardi dans l’hémicycle par 178 voix contre 161, avec le soutien de toute la gauche, du groupe indépendant Liot et du Rassemblement national. Et malgré l’opposition de la droite et d’une large partie du camp présidentiel. « Le combat avance pour que la dignité des enfants ne puisse être sacrifiée par la marchandisation du secteur », s’est réjouie la cheffe de file des députés Insoumis, Mathilde Panot, saluant « une victoire » sur X. La version initiale de la résolution, portée par le député LFI William Martinet, ne visait que les crèches privées, mais le champ de la future commission d’enquête a été élargi à l’ensemble du secteur, à la demande de la droite. Le groupe Les Républicains (LR) n’a pas apporté son soutien pour autant, jugeant que la démarche était « à charge » et « sans nuances » à l’égard des acteurs privés. Le camp présidentiel n’a pas voté d’un bloc: le groupe macroniste Renaissance et le MoDem se sont prononcés contre une initiative inutile à leurs yeux, contrairement à la plupart des votants de leurs alliés Horizons. La résolution adoptée mardi précise que la commission se penchera sur « le modèle économique » des crèches, ainsi que sur « leur utilisation des fonds publics et les conséquences de la recherche de profit sur les conditions de travail des professionnels de la petite enfance et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants« .
« Financiarisation »
L’initiative de LFI fait suite notamment aux conclusions d’un rapport alarmant publié en avril par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), missionnée par le gouvernement après la mort d’un bébé de 11 mois dans une crèche privée à Lyon en 2022. Les inspecteurs avaient relevé une qualité d’accueil « très disparate » dans le secteur et recueilli des témoignages, dans le public et le privé, décrivant des situations s’apparentant à de la maltraitance dans certains établissements. Deux livres-enquêtes parus en septembre – « Le prix du berceau » et « Babyzness » – ont de leur côté mis au jour le mode de fonctionnement de certaines structures privées, où se joue une course au rendement au détriment des enfants. « La maltraitance ne tombe pas du ciel, elle ne peut pas non plus se résumer à une succession d’erreurs individuelles ou d’actes malveillants » mais « elle trouve son origine dans le modèle économique des crèches« , a estimé William Martinet. Evoquant le scandale des maisons de retraite du groupe Orpea, l’Insoumis a dit redouter que se reproduisent « les mêmes dérives de la financiarisation » dans la petite enfance.
« Opprobre »
Le secteur privé des crèches, qui représente quelque 20% des places disponibles, est dominé essentiellement par quatre grands groupes (Les Petits Chaperons rouges, Babilou, La Maison Bleue, People & Baby), adossés pour certains à des fonds d’investissements. « Vous jetez l’opprobre sur tout un secteur sans nuances », alors qu’il crée « des places dont les familles ont besoin », a reproché le député LR Thibault Bazin à LFI, pour justifier le vote défavorable de son groupe. La députée Michèle Peyron (Renaissance) a elle aussi qualifié l’initiative de « largement à charge ». Une commission d’enquête « n’est pas nécessaire », a renchéri l’élue Modem Perrine Goulet, estimant qu’il fallait des « actions concrètes ». Leur collègue Horizons Frédéric Valletoux a de son côté apporté son soutien à la proposition, satisfait qu’elle ne vise plus seulement le privé. « Nous serons vigilants que le travail d’enquête parlementaire soit fait avec rigueur et impartialité« . Cette commission « est plus que nécessaire« , a estimé de son côté le député RN Serge Muller. Composées de trente députés désignés à la proportionnelle des groupes de l’Assemblée, les commissions d’enquête disposent notamment de pouvoir « d’investigation sur pièces et sur place« . La Fédération Française des Entreprises de Crèches, représentant quelque 2.700 établissements, a indiqué dans un communiqué que ses membres « se rendront disponibles pour répondre à toutes les interrogations » de la commission et « proposer des solutions concrètes ». Rappelant les travaux et rapports déjà existants, elle a aussi appelé à « une loi de programmation » pour la petite enfance « dès l’été 2024 ».
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