Les levées forment un réseau de digues long de 710 km le long de la Loire et de ses affluents. Elles sont tout à la fois un axe de communication, un « balcon » sur le Val, un « corset » pour le fleuve et une démarcation entre le lit mineur du fleuve et le lit majeur, occupé par les infrastructures urbaines et agricoles. En 2024, les collectivités du Val de Loire recevront de l’État la charge de gestion et d’entretien de ce système technique dont les fondations datent de la période médiévale. Elles hériteront de décisions prises par les contemporains de Henri II, Louis XI ou Louis XIV et de différents choix d’aménagement qui ont construit le Val de Loire tel que nous le vivons. Les levées sont les témoins de cette histoire longue des relations des sociétés au fleuve. Initialement destinées à limiter la submersion des terres agricoles puis à faciliter la navigation, elles protègent aujourd’hui un territoire largement urbanisé, peuplé de près d’un million d’habitants. Pourtant, le rêve des levées, celui d’une Loire maîtrisée par ses digues, s’est avéré impossible et ne fut jamais réalisé. L’enjeu actuel n’est pas tant de le reprendre que de trouver de nouvelles manières d’habiter le fleuve et d’écouter ses réponses. Avec cette série en quatre épisodes, la Mission Val de Loire propose de reprendre ce chemin de rive et de rêve, des premières occupations humaines dans le Val à notre paysage actuel, pour nous aider à mieux accompagner les évolutions de la Loire.
Épisode 1 : Au pays des levées : Montils, tertres et turcies, le Val de Loire avant Henri II (1133 – 1189). Les premières communautés installées dans le lit majeur de la Loire ont profité de terres riches en limon, alimentées par les crues, et se sont installées sur des montils, hauteurs constituées d’anciennes alluvions. Autour du IXe siècle, pour limiter l’érosion, l’ensablement ou l’entrée du fleuve dans la dépression latérale, des turcies, petites digues discontinues et submersibles ont été dressées aux points stratégiques, sans constituer un ensemble infranchissable. Ces initiatives locales ont dessiné une microtopographie encore lisible dans le Val et témoignent d’une histoire des modes de vie en lien étroit avec le fleuve et ses berges.
Avec : Nathalie Carcaud, géographe, professeure à l’Institut Agro Rennes-Angers / Cyril Castanet, géographe, maître de conférences à l’Université Paris 8 / Jean-Baptiste Rigot, géo-archéologue, maître de conférences à l’Université de Tours.
Reportage : Retour à Saint-Denis-en-Val avec Amélie Laurent-Dehecq, responsable d’opération au service archéologique du département du Loiret. En 2009, deux archéologues, un conducteur d’engin et un topographe ont ouvert une levée de Loire pour retracer son histoire.
Épisode 2 : La Loire contre ses murs : De la première « Grande levée » d’Anjou au système endigué. Contre la Loire et ses crues, le roi Henri II Plantagenêt fait construire des murs dans le Val d’Anjou et y installe des populations, chargées de défendre la levée « comme des soldats sur un rempart ». Au milieu du XIIe siècle, cette grande levée d’Anjou s’étend déjà sur 40 km. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, ces digues seront étendues et standardisées et leur gestion sera versée au nombre des prérogatives régaliennes. Cette volonté de fixer le fleuve entre des digues répond aux aspirations des propriétaires terriens qui veulent prévenir les inondations, mais aussi des marchands et des bateliers qui défendent l’intérêt du commerce. Les levées témoignent de ce désir d’une Loire-canal, d’un fleuve constamment navigable. Le système endigué ne sera jamais complet. Lors des grandes crues de 1846, 1856 et 1866, la Loire sort de son lit, le dispositif faillit et les ingénieurs changent de paradigme. Au XIXe siècle, la construction des levées s’arrête pour de bon.
Avec : Louis-Marie Coyaud, géographe, membre du conseil scientifique de la Mission Val de Loire / Natasha Stroinski, guide au Musée de la marine de Loire de Châteauneuf-sur-Loire / Saïda Temam, Docteure en géographie, professeure d’histoire-géographie.
Reportage : Une navigation sur la Loire à bord de la Sybille, l’un des bateaux de l’association La Rabouilleuse-École de Loire à Rochecorbon. Sur le fleuve, le marinier ligérien Clément Sirgue partage ce qu’il perçoit d’une Loire vivante.
Épisode 3 – Gérer un fleuve libre : De la GEMAPI à la libre évolution du fleuve. Depuis 2018, la compétence GEMAPI (Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations) a été confié aux collectivités locales. En 2024, les travaux d’entretien et de confortement des digues domaniales, du domaine de l’État, leur reviendra. Ces EPCI (Établissement Public de Coopération Intercommunale) reçoivent un ensemble de digues disparates et mal connues. À partir du XIXe siècle, la construction des levées s’est interrompue, le « stade des levées appartient à l’histoire », dit le géographe Roger Dion. Pourtant, les levées sont encore là et, pour certaines d’entre elles, jouent encore leur rôle de barrages contre la dynamique de la Loire. Aujourd’hui, les gestionnaires locaux doivent retrouver cette mémoire des aménagements du fleuve, préserver la dynamique d’une Loire libre vivante, prévenir les inondations et décider du devenir des levées.
Avec : Mathilde Gralepois, maître de conférences en aménagement-urbanisme, département d’Aménagement & Environnement, École Polytechnique de l’Université de Tours / Jean-Paul Pavillon, maire des Ponts-de-Cé, président de la GEMAPI de la communauté de communes Angers Loire Métropole / Pierre Philippe, ingénieur en chef, responsable du service digue de l’Établissement Public Loire.
Reportage : En 1986, l’Epala (établissement public pour l’aménagement de la Loire et de ses affluents) signe un protocole avec l’État pour construire quatre barrages en amont du bassin de la Loire. En 1994, après huit ans de lutte, le projet est abandonné. L’hydrobiologiste Roberto Epple est une figure de ce conflit. Depuis la Haute-Loire, il raconte un combat pour une Loire vivante.
Épisode 4 – Les levées aux avant-postes de nos incertitudes : Les levées sont à la fois un axe de communication qui longe la Loire, un « balcon » sur le Val et une ligne de démarcation entre un lit mineur ensauvagé et un lit majeur, occupé par des infrastructures urbaines ou agricoles. La connaissance de leur histoire, de leur évolution et des modalités d’entretien, mais également de préservation, constituent des enjeux importants sur les plans techniques, patrimoniaux et paysagers. En clôture de la série, cet épisode interroge les modalités de gestion de cette frontière. Comment repenser les représentations, le rapport au fleuve ? Quelle gouvernance partagée pour les territoires de l’eau et quelle place pour les riverains dans la gestion du risque ? Que sait-on des usages historiques des berges de Loire ? Un épisode enregistré en public le mercredi 16 novembre à MAME (Tours) pendant la journée « La Vie sauvage des monuments » organisée par la Mission Val de Loire dans le cadre des 50 ans de la Convention du patrimoine mondial.
Avec : Marie Fournier, enseignante-chercheuse en aménagement–urbanisme à l’École Supérieure des Géomètres et Topographes du Conservatoire National des Arts et Métiers / Mathilde Gralepois, enseignante-chercheuse en aménagement-urbanisme, département d’Aménagement & Environnement, École Polytechnique de l’Université de Tours / Virginie Serna, archéologue, conservateur général du patrimoine, chargée de mission au ministère de la Culture et présidente du conseil scientifique de la Mission Val de Loire.
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