Que l’on soit pour ou contre la réforme des retraites, le débat engagé révèle l’ineptie des caricatures dont sont affublés invariablement «les gens». Tous ces gens alimentant la ligne de démarcation qui définit le camp des bons et des méchants et nous situe avec aisance toujours du bon côté. Et pourtant, nous en fréquentons tous des «gens divers et des divergents»* que nos réflexes primaires expédient inlassablement dans les cases noires de l’échiquier populaire.
Oui, comme vous, j’en connais des gens, de ceux qui soutiennent la contestation voire ruissellent paisiblement dans les artères de la nation et d’autres campés sur les certitudes froides des données démographiques et financières. Si autant de Français affichent leur scepticisme à l’encontre de l’avancée sociale et équitable vendue par des bateleurs peu convaincants, c’est peut-être qu’ils s’interrogent, en ces temps opportuns, sur le bien-être individuel et commun. Ou mieux encore qu’ils ont déserté les rangs des «gens qui ont bonne conscience mais souvent mauvaise mémoire».** Qui, dans le cours de son existence, peut en effet prétendre n’avoir jamais croisé sur son chemin un proche, un voisin ou un collègue confrontés aux aléas de la vie Comme nous tous, j’en ai côtoyé des mères de familles, des femmes de ménage, des infirmières, des caissières, des ouvrières, des plombiers, des maçons, des veilleurs de nuit, des étudiants, des enseignants ou des cadres éreintés, ou broyés par l’exigence des tâches ou le stress de managements destructifs. Des gens physiquement ou psychologiquement esquintés qui plongent un temps donné dans l’abîme de la misère et du désespoir.
Couver et protéger
Alors oui, souvenons-nous que ces gens que nous apprécions ou, parfois, aimons, sont parfaitement légitimes pour appréhender une vraie réflexion sur le sens du travail, de la vie, active ou post-active. Pour autant versent-ils dans le culte de la paresse comme le prétendent des franges de «Robinson Cruzoé» cloîtrés dans l’isolement de leurs îles hantées par l’entre-soi et l’égoïsme. Aujourd’hui, sur la réforme des retraites, demain sur d’autres sujets sociétaux, le dialogue devra pourtant s’instaurer, entre élite et peuple, convaincus, perplexes et sceptiques, il faudra se parler. Nous sommes les gens, en capacité de comprendre que la pauvreté, la fin de vie, l’éducation, l’émigration, le bien-être, la transition écologique sont, parmi d’autres, des préoccupations qui nous concernent, nous obligent à l’écoute et à la bienveillance. Nous sommes les gens majoritaires, sensibles et généreux que l’on conduit à dessein sur des sentes divergentes pour détourner l’essentiel et rogner l’ambition démocratique. Nous sommes les dominants mais devons veiller, rester vigilants pour ne pas céder aux rengaines douteuses des charmeurs de serpents. Et si la tentation existe, et elle existe vraiment, d’abandonner le combat des idées pour condamner commodément la différence, nous perdons toute ambition de réussir. Nous sommes les gens, une constellation d’étoiles mineures réunies par la civilisation pour former une communauté que la démocratie doit couver, protéger.
Georges Chabrier
* emprunté à Christophe Maé
** emprunté à Jacques Brel
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Commentaires 8
Bonsoir. Pour nos élites européennes nous sommes des chiffres. Rapporteur de croissance,de PIB….
Bref nous sommes sur terre pour produire pour l’élite….. . Je comprends mieux nos jeunes.
Cordialement
Les temples de la paresse ne seraient pas l’AN et le sénat? Car là-bas ça roupillent les donneurs de leçon, où ils ne sont paslà
Notre éditorialiste oppose, lui qui s’en défend, les gens toujours victimes, à l’élite toujours oppressive. Ceux qui ne penseraient que chiffres froids à ceux qui auraient la chaleur humaine comme seule boussole. Commode et délicieux de se compter parmi les humains contre les ordinateurs. Mais voilà on habite une vraie planète avec ses vraies limites et ce qui n’est pas produit ne peut pas être distribué.
Prenons aux riches dit-on. Mais qui sont-ils? jusqu’ou était on pauvre et à partir de quand est on riche ? Et puis les riches éliminés comme le réclament certains ou pressés jusqu’à la misère il faudra quand même travailler, produire pour partager. On aura seulement changé de patron. Ce seront les membres du Parti comme dans tous les régimes totalitaires qui remplaceront les entreprenants..
Et après un tel discours, le problème est-il résolu ? Tant que nos politiques, qui devraient donner l’exemple du dialogue et de la concertation garderont leur conduite actuelle, rien ne sera fait. L’éducation par l’exemple n’est pas leur fort à ces élus qui sont pour une réduction du temps de travail mais font tout pour être réélus à un poste qui les fait vivre sans trop fatiguer.
Un employé qui n’est pas satisfait de son employeur cherche une place meilleure et démissionne. Si nos politiques ne sont pas d’accord avec la réforme, qu’ils démissionnent en masse pour mettre le gouvernement devant ses responsabilités. Pourquoi ne le font-ils pas eux qui veulent bloquer le pays…. mais surtout ne pas perdre leur place d’élu si fatiguante ?
Exact M. Cabaret. « un homme politique pense à sa réélection. Un chef d’Etat à la nouvelle génération »(Churchill) Tant que les débats au parlement seront de ce niveau. Tant que les indemnités, avantages etc. ne seront pas revus, pas étonnant que la rue se remplisse. A quand la réforme des Institutions, des cumuls (déguisés) des mandats, des régimes spéciaux. Et un âge limite (64 ans) d’interdiction d’un mandat représentatif (député+sénateur) Provocateur moi ?
Bonsoir monsieur Prior. Vous croyez vraiment que nos jeunes vont être bien dociles et silencieux comme la plupart d entrenous.
Combien de jeune reste moins de 10 ans dans la même entreprise ?