Quand on a 15 ou 16 ans, une retraite à 64 ans, ça peut sembler loin. Et pourtant, au cœur de la manifestation contre la réforme des retraites à Saumur ce jeudi 19 janvier, un petit groupe de jeunes brandit des bannières et compte bien faire entendre leur voix. Ils s’appellent Paul, Joséphine, Emma ou encore Solène, ils sont lycéens en classe de 2de ou 1re au lycée Duplessis-Mornay de Saumur. Et un avis sur la réforme des retraites, ils en ont un. Après une tentative de manifestation devant leur lycée de centre-ville, qui n’a que moyennement fonctionné, ils ont décidé à une petite quinzaine de rallier le centre-ville pour se joindre aux quelque 2 500 manifestants venus battre le pavé contre la réforme du gouvernement. « Nous sommes tous concernés. Cette réforme, injuste et absurde, va tous nous impacter et nous devons nous battre contre, quel que soit notre âge », scandent-ils. « Ce n’est pas parce que l’on est jeunes que cela ne nous touche pas et que nous n’avons pas de revendications. Au contraire. Et c’est parce que nous souhaiterions être aussi considérés, que notre parole et notre vision des choses soient entendues de la même manière, que nous nous mobilisons aujourd’hui », témoigne Joséphine.
« Je ne veux pas de ça pour le pays de la Révolution et de Mai 68 »
Comme leurs aînés, ils estiment que « quand on arrive à 60 ans ou 62 ans, on a déjà bien travaillé et on a le droit au repos, on a le droit de profiter de sa vie, tant qu’on le peut encore et que la santé le permet. Vouloir rallonger l’âge de départ à la retraite c’est se moquer de nous, c’est ne pas voir et entendre que les travailleurs sont déjà rincés à la soixantaine. On nous demande de travailler plus longtemps alors que cela est déjà difficile aujourd’hui d’aller au bout. Une personne sur trois n’a pas une retraite convenable et suffisante pour vivre dignement, un nombre important de travailleurs sont au chômage avant la retraite. » Ils déplorent le projet porté par le gouvernement : « Nous osons espérer que l’État continuera de financer nos retraites. La France est un beau pays, car elle porte de belles valeurs, on est unis. On ne doit pas penser que pour nos gueules ! Nous ne voulons pas d’un régime à l’allemande où chacun cotise pour soit, où certains doivent cumuler plusieurs emplois précaires. Nous ne voulons pas de ça dans le pays de la Révolution, dans le pays de Mai 68 ! »
Travailler jusqu’à quand ? Et dans quel état ?
Cette manifestation, ils la font pour eux « parce que dans quelques années nous serons sur le marché de l’emploi et que l’on se demande quelles seront les conditions pour nous. Nous fera-t-on travailler jusqu’à 80 ans ? C’est la logique que l’on devrait suivre si l’on suit l’argument de l’allongement de la durée de vie. Mais dans quel état de santé serons-nous à la retraite ? Pourrons-nous en profiter ? Je ne suis pas certain que la durée de vie va continuer à s’allonger si l’on continue à évoluer dans un monde comme celui-ci. Je vois mon père qui est ouvrier, à 45 ans il est déjà complètement cassé et usé. Je le vois mal continuer au-delà de 60 ans », commente Paul. Ils la font également pour leurs aînés : « On pense aux autres, à ceux qui sont bientôt à la retraite et à qui on dit qu’il faudra encore aller un peu plus loin alors qu’ils ont trimé toute leur vie et qu’ils n’en peuvent plus, qu’ils ne demandent qu’une chose, être à la retraite après de longues années de travail. »
Une génération anxieuse
Bien plus qu’un cri de colère contre cette réforme, les lycéens présents ce jeudi se faisaient la voix d’une jeunesse « anxieuse, inquiète » qui se « questionne sur l’avenir ». Même s’ils regrettent « un manque de mobilisation des jeunes sur ces sujets pourtant essentiels. » À 15 ans, ils portent sur leurs épaules un poids qui ne devrait probablement pas leur incomber : « Nous sommes inquiets, stressés quant aux conditions de travail qui seront les nôtres demain, aux conditions dans lesquelles nous devrons étudier quand on voit la précarité étudiante toujours plus dégradée, nous sommes anxieux quant à notre orientation décidée par la seule plateforme Parcoursup qui déshumanise les étudiants et renforce ce sentiment de compétition et de sélection… » Et dans toutes les bouches, une autre inquiétude majeure, qui bien que loin de la réforme des retraites semble faire relativiser bien des choses pour ces lycéens : « L’écologie ! ». « C’est probablement le sujet qui implique le plus la jeune génération, car c’est aussi celui qui nous inquiète le plus. Quel monde va-t-on nous laisser quand on sait que les degrés monteront progressivement chaque année, que les saisons seront de plus en plus chaudes et sèches, que 25 à 50% des espèces animales auront disparu en 2050. Nous devons assumer l’inaction et les actes des anciennes générations », regrettent-ils. Et de conclure : « Plus on avance dans le temps et plus on se rend compte que les valeurs que l’on nous a vendues pendant tant d’années, liberté, égalité, fraternité, ne sont que de vaines paroles. Nous allons de désillusion en désillusion. »
Copyright © IGNIS Communication Tous droits réservés
Commentaires 8
Les jeunes, il faudrait peut-être qu’ils n’oublient pas de voter, leurs revendications seraient plus légitimes. Pour les retraites, ce sont eux qui ont en main le maintien du système, encore faut-il qu’ils se prennent par la main pour travailler. Les choses ont bien le temps de changer avant qu’ils ne soient en retraite et ils ont une vie professionnelle bien plus avantageuse que celle des aînés…35 heures, RTT,…c’est peut-être le courage qui leur fait défaut.
Compliqué de voter à 15 ans, non?
L’article démontre leur altruisme et vous répondez par l’agressivité, l’opposition et l’altérité…
Je ne veux pas entrer dans un débat stérile qui disloque le corps social. Il y a des cons et des gens formidables parmi les « jeunes » comme parmi les « vieux ». J’ai éprouvé de la joie à parler ce matin avec ces lycéens courageux qui sont de vrais citoyens armés d’une conscience politique et d’une réflexion, et qui ne résument pas leur engagement à glisser un bulletin dans une urne, comme le font beaucoup de pseudo-citoyens anonymes à la conscience propre et à l’engagement nul.
Bonsoir. J’invite surtout les jeunes à lire et vous interrogez sur un socialiste élus 2 fois président de la république déclarant qu’il y avait trop d émigré en france.
Qui manipule le cerveau des peuples?
Jamais compris pourquoi « les jeunes » (j’en suis un) se souçiaient des réformes et du système actuel pour eux. Dans 10, 20, 30 ans… Il aura changé maintes et maintes fois. Comme toujours. Nos retraites ne seront pas les mêmes et personne ne peut encore prédire ce qu’il en sera du gouvernement dans 20/30 ans. Se soucier de nos parents, à la rigueur ! Mais pour nous, je ne vois pas l’intérêt. On verra comment sera le monde d’ici là. 😉
Les jeunes ont des reactions tres pertinentes car ils ont les exemples vivants dans leurs familles, parents, grands parents, oncles et tantes etc… de la fatigue d’un déjà trop long temps de travail et de la précarité avec le montant de leurs retraites.
Le souci de notre société, c’est que quand on est trop jeune on trouve pas de travail car on a pas d’expérience, puis dépasser la cinquantaine on ne trouve pas de travail car on est trop vieux et moins rentable.
Du coup on a déjà du mal a avoir tout nos trimestres, alors si on augmente l’âge de la retraite cela sera encore pire.
Info pour les jeunes,
J’ai 76ans quand j’ai commencé à travaillé 48h par semaine, puis 42, puis 39, puis, puis 35 les cotisations suivent…
Quand j’avais 30 ans il n’y avait qu’une génération de seniors, maintenant 2.
Qu’en pensez-vous? Supprimer 1 génération? Faire plus d’enfants (comme nos parents après la guerre) cotiser des 20ans ou travailler quelques années de plus?